Chaque jour, une épave : 20 mai 1922, le paquebot Egypt et son trésor coulait à Ouessant

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

L’Egypt était un majestueux paquebot anglais, construit par les chantiers Caird & Co de Greenock en 1897, pour le compte de la compagnie Peninsular & Oriental Steam Navigation Company, de Londres, qui était à l’époque la première compagnie mondiale de transports maritimes. D’une longueur de 152 mètres pour 16 mètres de large et 7,6 mètres de tirant d’eau, l’imposant navire jaugeait pas moins de 7941 tonnes et était propulsé par une machine à vapeur géante de 3 cylindres à triple expansion développant 11 000 cv sur une seule hélice, pour une vitesse maximale de 18 nœuds. Manœuvré par 338 hommes d’équipage, il était doté de 301 cabines de 1ère classe et 208 cabines de seconde classe. Dès son lancement, l’Egypt a assuré la ligne de l’Angleterre vers les Indes et l’Australie, via Marseille. Il n’était pas le seul, il faisait partie d’une série de 5 « sister ships » constuits entre 1896 et 1900 (les quatre autres étaient India, China, Arabia et Persia).

En 1910, alors qu’il assurait la ligne asiatique, le paquebot ramena d’Égypte la princesse royale, puis continua à naviguer en Méditerranée jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Réquisitionné par la Royal Navy durant la Grande Guerre, il servit comme navire-hôpital en Méditerranée, repeint en blanc avec les croix de la Croix Rouge Internationale. Pouvant alors accueillir jusqu’à 461 blessés, il a servi plus particulièrement dans les Dardanelles depuis 1915 jusqu’à la fin de la guerre.

En 1920, à Bombay, l’Egypt a été restauré et réaménagé pour reprendre la ligne commerciale en 1921 après 25 ans de service.

Le 19 mai 1922, 44 passagers, des sujets de sa majesté et quelques maharadjahs prenaient possession de leurs luxueuses cabines tandis que 294 membres d’équipage, dont une grande partie était d’origine indienne ou asiatique, préparaient le départ pour Bombay. Puis le paquebot appareilla de Londres par un très beau temps pour s’engager dans la Manche, contourner la Bretagne et mettre le cap vers Gibraltar.

Le 20 mai 1922 en fin d’après-midi, l’Egypt doublait Ouessant, suivant une route sud-sud-ouest. Le vent était nul et une longue houle faisait lentement tanguer le navire quand un épais brouillard se leva et effaça littéralement le paysage, comme c’est souvent le cas dans cette région particulièrement dangereuse. Le capitaine Andrew Collyer commandant de l’Egypt, décida de garder ses distances de la côte en passant plus à l’ouest pour garder une bonne marge de sécurité, la chaussée de Sein jouissant d’une très mauvaise réputation. L’Egypt n’était pas équipé de radar ; en cas de brouillard, il signalait sa présence par une corne de brume qui était actionnée toutes les 3 minutes.

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A 19h, les veilleurs à la passerelle du paquebot entendirent une autre corne de brume : un navire naviguait non loin de l’Egypt, mais la brume était tellement épaisse qu’il était impossible de voir où il se trouvait, ni même seulement quel était ce navire. Le capitaine Collyer pensait qu’il se devait certainement tenir une route parallèle à la sienne. En fait, il n’en était rien et il eut la certitude de l’imminence du danger quand on entendit une ultime sonnerie de la sirène inconnue, très près de l’Egypt, bien trop près…

L’Egypt à son départ de Londres

Le capitaine Collyer fit stopper la machine mais le paquebot courait encore sur son erre quand l’étrave de l’autre bateau déchira la brume et surgit par le travers bâbord du paquebot. Collyer tenta désespérément de faire mettre la barre à droite toute, mais c’était trop tard. Le choc provoqua un immense fracas de tôles déchirées et le paquebot fut secoué d’un énorme tremblement. Contre lui, le vapeur français Le Seine, caboteur commandé par le capitaine Le Barzic, appartenant à la Compagnie Française France-Baltique, venait de La Pallice (la Rochelle) et naviguait en direction du Havre. Il avait une étrave de brise-glace. Cette étrave renforcée ouvrit une large et profonde déchirure sous la ligne de flottaison de l’Egypt. Celui-ci, mortellement touché, commença très vite à se remplir en s’inclinant sur bâbord.

Pris de panique, l’équipage indien se rua sur les chaloupes sans se soucier des passagers. Fort heureusement, une autre partie de l’équipage sut garder son sang froid et quelques officiers repoussèrent les indiens sous la menace d’une arme pour pouvoir évacuer en priorité les passagers.

Coupure du journal L’Ouest-Eclair du lundi 22 ami 1922

Debout sur sa passerelle, le Capitaine Collyer dirigeait l’évacuation avec beaucoup de sang-froid. La gite devenant trop importante pour poursuivre la mise à l’eau des embarcations, on coupa alors les élingues qui les maintenaient pour qu’elles puissent flotter lorsque la mer allait les atteindre. Cette précaution sauva de nombreuses vies en évitant aux embarcations de se fracasser contre le bateau et les naufragés nageant en surface purent s’y accrocher. Fidèle à la tradition maritime, Collyer était resté à son poste jusqu’à l’engloutissement du navire. Projeté à la mer, il échappa de justesse à la mort et fut repêché par une embarcation.

Les trois opérateurs sans fil ont péri. Le chef-opérateur, Arthur Hardwick, est mort à son poste. Il était au dîner au moment de la collision. Il se précipita vers la cabine et dit au troisième opérateur d’aller aider l’évacuation sur le pont en ajoutant : «Je m’occuperai moi-même de la radio ». Quand la dernière chaloupe fut partie, l’assistant est revenu chercher Hardwick, mais celui-ci a refusé de quitter son poste. Il a continué à tapoter le S.O.S. en morse. Il a été vu pour la dernière fois debout à la porte de la cabine radio pendant que le navire plongeait sous les vagues…

A peine 20 minutes après la collision, l’Egypt sombra, laissant en surface quelques chaloupes et de nombreux débris. Le Seine, auteur de la collision, avait beaucoup moins souffert et ne présentait pas de voie d’eau, grâce à son étrave renforcée. Malgré quelques tôles enfoncée, il avait entretemps manœuvré pour revenir sur les lieux de la catastrophe et assurer le sauvetage des naufragés. L’équipage du capitaine Le Barzic put ainsi repêcher 247 survivants : 218 marins et 29 passagers. 87 personnes manquaient à l’appel. Les rescapés furent ramenés dès le lendemain au port de Brest.

Pendant 10 ans, la recherche du trésor de l’Egypt a été largement suivie par la presse

Là où cette dramatique histoire prend un tournant surprenant, c’est quand on apprend qu’à bord de l’Egypt se trouvait une véritable fortune… Le paquebot emmenait dans une chambre forte disposée sur son 7e pont, plusieurs tonnes d’or et d’argent destinée à l’Inde. Le registre de la Lloyd’s donne un inventaire précis de la précieuse cargaison : 122 caisses contenant 1089 barres pour un poids de 4453 kilos ; 37 caisses de monnaies-or en Livres Sterling représentant un total de £ 164 979 pour un poids d’or de 3355 kilos ; 1229 barres les unes de 31, les autres de 37 kilos d’argent pur pour un poids total de 43 tonnes.

Dans les années qui suivirent, plusieurs tentatives pour récupérer ce trésor n’ont pas abouti : l’épave de l’Egypt gisait par près de 120 mètres de fond et en ce début du XXe siècle, les scaphandriers « pieds-lourds » ne descendaient pas encore aussi profond. Plusieurs sociétés de renflouage se sont succédées, utilisant du matériel révolutionnaire pour l’époque, comme les fameux scaphandres rigides Neufeld & Kuhnke. Si ces équipements étaient capables de descendre sur l’épave, une autre difficulté apparut : il fallait pénétrer à l’intérieur du paquebot, trouver la cabine du capitaine dans laquelle se trouvait la clé de la chambre forte, puis parcourir des centaines de mètres de coursives sur 7 ponts différents dans les entrailles du géant, tout cela dans le noir, au milieu des débris et en tirant la corde de sécurité et le tuyau d’alimentation du scaphandre. Autant dire que la mission était impossible.

La récupération du trésor (vue d’artiste) avec la grue à mâchoires sous la surveillance d’un scaphandrier dans une tourelle Galeazzi (au centre de l’image)

En 1929, on fit appel à une société italienne, la SORIMA, qui dépêcha sur le site l’un de ses bateaux équipé pour la récupération d’épaves, l’Artiglio. Les scaphandriers italiens purent identifier avec certitude l’épave de l’Egypt. Mais pour ce qui était d’aller chercher le trésor au fond de l’épave, les scaphandriers se trouvaient devant un problème insoluble. Ce n’est qu’en 1932 que l’équipage de l’Artiglio mit enfin en œuvre une méthode certes expéditive, mais efficace : après avoir repéré l’emplacement de la chambre forte, ils firent sauter les ponts les uns après les autres avec des charges d’explosifs. Une fois la chambre forte atteinte, une grue à mâchoires descendit dans le trou pratiqué par les charges explosives, sous le contrôle d’une cloche à plongée Galeazzi dans laquelle un scaphandrier pouvait guider les travaux. Les mâchoires plongèrent dans la chambre forte et se resserrèrent sur le précieux chargement.

Le 22 juin 1932, la grue déposait sur le pont de l’artiglio les premières caisses. Il fallut trois jours pour remonter tout ce qui était accessible aux mâchoires de la grue. Le 25 juin, après 10 ans de travail acharné, les travaux de renflouage du trésor étaient définitivement arrêtés, la grue ne rencontrait plus rien dans les débris de l’épave. Une expertise montra que 80% du trésor de l’Egypt avaient été remontés.

L’épave de l’Egypt dort toujours au fond de l’Atlantique, près d’Ouessant et de l’île de Sein, par 120 mètres de fond, aux coordonnées : latitude 48° 06’ 545 N et longitude 5° 29’ 939 W. Mais l’histoire de cette épave ne s’arrête pas là, car comme il est dit plus haut, seulement 80% du trésor ont été remontés. Les 20% restants attirent toujours les chasseurs de trésors qui essaient régulièrement de mettre la main sur quelques miettes de la fortune encore engloutie. Ainsi au cours de l’été 2017, deux plongeurs anglais ont été interpellés par un bâtiment de la Marine Nationale car ils avaient été repérés depuis plusieurs jours en train d’effectuer des sondages sur la position de l’épave, dans le but de tenter leur chance. Avec les techniques de plongée Tek, l’épave est de nos jours parfaitement accessible à des plongeurs chevronnés et disposant d’un bon bateau. Pensez donc, 20% restant d’un trésor évalué à plusieurs centaines de millions d’Euros actuels, ça laisse rêveur et ça peut donner des idées à certains !…

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