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Par Paul Poivert

Fabriquer son appareil recycleur, est-ce possible ? Aux débuts de cette nouvelle pratique de plongée, quelques pionniers un peu fous s’y sont risqués et ont fabriqué des recycleurs à circuit fermé mécaniques à oxygène pur, sur le modèle des appareils utilisés par les premiers nageurs de combat. Puis ils ont plongé avec et en sont revenus… vivants ! Voici leur secret.

Non messieurs les gendarmes, cet article n’est pas du tout une incitation au suicide ! Depuis les pionniers de l’association AHR (Avenir et Histoire des Recycleurs) qui avaient lancé il y a quelques années un concours de «recycleurs fabrication maison» dans la piscine du Salon de la Plongée de Paris, la plupart des fabricants n’ayant alors pas encore osé franchir le pas, ils furent nombreux à essayer de fabriquer leur propre machine infernale…

Si les modèles actuels qui sont désormais présentés sur le marché sont très fiables et perfectionnés avec leur gestion électronique de la composition des mélanges en temps réel et leur triple sécurité, on peut néanmoins leur reprocher leur prix prohibitif… Mais la sécurité n’a pas de prix ! En suivant l’exemple des pionniers, on peut toujours bricoler un simple circuit fermé à oxygène, le plus ancien et le plus simple des appareils respiratoires, qui fut utilisé avec succès dès le début du XXe siècle dans les mines et dans les sous-marins, puis par les nageurs de combat dès la Seconde Guerre mondiale… Le principe était extrêmement simple et infaillible !

Le modèle de type Pirelli utilisé par les nageurs de combat italiens pendant la Seconde Guerre mondiale

Le temps des pionniers

Fabriquer son propre recycleur, est-ce vraiment une folie ? Assurément, il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir réaliser un appareil respiratoire fiable. Devant le développement de la plongée Tek et de la pratique du recycleur, les fabricants (pour la plupart étrangers) commercialisent des appareils très perfectionnés, à gestion électronique. Cette technologie est désormais parfaitement maîtrisée et le nombre de modèle de cesse d’augmenter. Aux USA, de nombreux appareils existent depuis plus d’une vingtaine d’années, la plupart à gestion électronique. En Europe, la firme anglaise Ambiant Pressure fut la première à lancer le bal avec plusieurs versions du Buddy Inspiration, devenu Vision, puis Evolution. En Allemagne, la firme Dräger, qui fournit les appareils militaires pour de nombreux pays, était restée plutôt fidèle aux systèmes mécaniques avec le célèbre Dolphin qui fut le précurseur en plongée au recycleur de loisir, avec un système semi-fermé (système mécanique à injection dont le renouvellement d’une partie du gaz assurait la stabilité du mélange respiré). Un autre modèle d’origine allemande, le Submatix a fait son chemin dans l’hexagone grâce à Jean-François André et son école Hippoconsulting, devenue l’un des centres de formation les plus dynamiques avec des extensions internationales. Le Submatix se décline lui aussi désormais en version électronique. Chez les Italiens, on conserve encore quelques modèles de circuits fermés à oxygène, de type Naubos. Notons tout de même la sortie d’un nouveau modèle de circuit semi-fermé électronique chez Marès, l’Horizon, qui vient d’être annoncé au salon Boot de Düsseldorf. N’oublions pas enfin le modèle français Triton, qui a la particularité d’être ventral.

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Malgré tous ces modèles, très perfectionnés et ayant reçu toutes les approbations nécessaires en terme de sécurité, quelques passionnés se risquent quand même à fabriquer des recycleurs très simplifiés et particulièrement rustiques pour des utilisations très spécifiques, comme pour les paliers à l’oxygène en plongée spéléo. 

Si naguère certains n’ont pas hésité à se lancer dans la construction d’un recycleur électronique, très compliqué du fait de l’adjonction d’un système à gestion électronique qui doit contrôler la teneur en oxygène ainsi que le débit, la plupart se sont montrés plus raisonnables en fabriquant un circuit fermé mécanique à oxygène, l’appareil le plus simple qui soit.

Un appareil simplissime

Le système Pirelli mis en œuvre pendant la Seconde Guerre mondiale (voir plus haut) par les nageurs de combat italiens était très simple : un embout muni d’un robinet, de type robinet de plomberie, relié à un réservoir de chaux sodée par un tuyau annelé du genre de ceux qui équipent aujourd’hui les inflateurs de gilets stabilisateurs, le réservoir de chaux sodée taillé dans un bout de tuyau de PVC (type gouttière), enfin un sac enveloppant l’élément épurateur. Quand le plongeur souffle dans l’embout, le gaz expiré traverse le réservoir de chaux sodée, puis remplit le sac. Quand on inspire, le gaz suit le chemin inverse, traversant une deuxième fois la chaux sodée pour être débarrassé du gaz carbonique. Quand il n’y a plus assez d’oxygène dans le circuit, on complète le volume en ouvrant une bouteille reliée au sac par un tuyau de direct système. 

Le modèle “TP2000” utilisé naguère pour les paliers en plongée spéléo
Les rustines sont en option…

Une version plus évoluée présente un circuit en boucle, avec un tuyau et un sac expiratoire en amont du réservoir de chaux sodée, ainsi qu’un sac inspiratoire et un deuxième tuyau en aval. L’oxygène ne circule donc plus selon un va et vient, mais dans une boucle, évitant ainsi les espaces morts dans lesquels le gaz ne se purifierait pas bien. Là encore, tout est fait avec des éléments de récupération : l’embout et le tuyau annelé peuvent provenir d’un antique détendeur Mistral, les sacs respiratoires peuvent être taillés dans de la chambre à air de scooter et le réservoir de chaux sodée reste du bon vieux tuyau en PVC. L’arrivée du gaz est assurée par un inflateur de combinaison étanche ou bien par un inflateur de gilet stabilisateur. Sur la partie expiratoire, une valve de surpression a été ajoutée, provenant d’une combinaison étanche ou d’un stab. L’étanchéité entre les différents éléments est assurée par des colliers de serrage disponibles dans toute bonne quincaillerie. Sur la chambre à air de scooter, la présence de rustines n’est pas obligatoire, mais ajoute un petit côté «bidouillé» qui ne déplaira pas aux amateurs du genre… Le modèle présenté dans cet article avait été nommé « TP2000 » (TP pour Toilet Paper, car l’inventeur avait glissé un rouleau de papier toilette dans le sac expiratoire pour absorber l’humidité…). Il fut utilisé notamment pour les paliers en plongée souterraine.

Le modèle “saladier/jardinage”. Oui, il fonctionnait !
Injection automatique, s’il vous plaît !

Un autre modèle a été fabriqué il y a quelques années par un passionné du genre et bricoleur de génie, Jean Jastrzebski, en utilisant lui aussi des tubes PVC pour les conduits et le réservoir, ainsi qu’une vessie de poche à glace médicale pour le sac respiratoire, les connexions étant assurées par des connecteurs de tuyaux d’arrosage que l’on trouve aisément dans toute bonne jardinerie. L’adjonction d’oxygène était assurée par un détendeur à deux étages dégraissé, dont le deuxième étage faisait office d’inflateur automatique… Pour protéger son invention, Jean avait placé l’ensemble dans une coque demi-sphérique provenant tout droit d’un… saladier en plastique !

Tous ces modèles fonctionnent à l’oxygène pur (pas de mélange à gérer, donc d’une simplicité absolue) et ne peuvent être utilisés qu’à très petite profondeur. L’oxygène pur devenant toxique (risque d’hyperoxie aigüe) au-delà de 7m, il est généralement conseillé de ne pas dépasser 1,4 à 1,6 bar (4 à 6 m) selon les écoles et les marges de sécurité que l’on veut appliquer.

Bien entendu, bien que les astucieux inventeurs ont poussé le courage jusqu’à plonger eux-mêmes avec leurs machines (et en sont revenus sains et saufs !), la fabrication d’un tel engin n’est pas à conseiller, à moins de bien maîtriser cette technologie et d’en accepter le risque, s’apparentant de près ou de loin à la roulette russe…

5 COMMENTS

  1. J’ai suivi le chemin contraire, bricolant mon Castoro C96 pour qu’il puisse rouler soit avec O2 100 %, soit avec du nitrox.
    Employent diverses blouteilles petites dorsales (5, 6 et 7 litres /200 bar) avec different melanges nitrox, je pouvais plonger à differnt profondeurs. J’avis toujours le bouteille d’O2 pour ameliorer ma deco quand c’estait necessaire.
    On apprend beaucoup quand on doit trouver des solutions aux petits ou grands problèmes que on trouve pendant le bricolage d’un appareil qui, ne l’oublions, est un système de support de vie!
    Un facteur à considerer est si l’appareil qu’on à bricolé es assez “user friendly” (en français on dit “conviviale”), c’est à dire qu’il soit relativament facile à prèparer avant de la plongée, et a nettoyer après la plongée.
    Malheurerusement, souvent on s’occupe principalement de s’assurer que l’apareil marche bien, qu’on ne se tuera en plongeant avec. Si s’en servir de l’appareil devient un cauchemar de temps avant et après la plongée, on aura une tendence a l’employer peu.
    J’ai plongé beaucoup avec un Draeger Dolphin (même avec 100% O2 en “fermant” la buse sonique et laissant le “by-pass” remplir le circuit pour compenser l’O2 metabolisé.) et je le trouve assez conviviale. Par contre, avec le DC 55, ,avec j’ai eu le plaisir de plongér, et de le preparé personellment avant et aprés plonger, j’êtais deçu nottament par le vidange du “scrubber” (ou canister, ou fitre de caux sodée) qu’est un peux moins conviviale, parcequ’il fait partie du corps de l’appareil, ce qui le fait engombrant, specialement vis-a-vis le canister conviviale du Dolphin. Peut être la convivialité n’êtait pas un critère fondamentale pendant le developpement du DC 55, le plus important êtait qu’il marche bien et ne tue les plongeurs. En tout cas, dans les marines de beaucoup de pays il y a des techniciens qui peuvent préparer ou aider a preparer l’appareil avant et après la plongee.
    C’est évident que ce que le marché de plongée loisir à besoin n’est pas le même que la marine à besoin.
    En tout cas, le processus de bricoler les recycleurs, souvent un chemin plein d’ echeques, es aussi une voie de formation qui demeure trés interessante.

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