Chaque jour, une épave : 7 mai 1922, La Dévastation, ou l’agonie d’un cuirassé

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

La Dévastation était l’aimable nom donné à un prototype de cuirassé d’escadre de la fin du XIXe siècle. Lancé à l’arsenal de Lorient en 1879 pour la Marine Nationale française, il était considéré comme le plus moderne de son époque. Long de 98 mètres, large de 21 mètres pour un tirant d’eau de 7,5 mètres, il jaugeait 9600 tonnes à sa construction, pour monter jusqu’à 10 600 tonnes après plusieurs modifications. Sa propulsion était mixte, à vapeur et à voile, bien que celles-ci fussent bien peu efficaces avec 2760 m2 de surface, pour un lourd navire recouvert d’un épais blindage. Le cuirassé portait malgré tout à son lancement, un gréement de trois-mâts carré.

Sa motorisation comprenait deux machines à vapeur Compound de 8000 cv alimentées par 12 chaudières sur deux hélices quadripales de 5 mètres de diamètre, qui lui donnaient une vitesse de 15 nœuds. Sa silhouette, avec ses deux cheminées côte à côte et son gréement traditionnel, allongé d’un éperon blindé à la proue, accentuait son aspect inhabituel.

Doté d’un blindage en acier de 38 cm au centre et 22 cm aux extrémités, il était armé d’une batterie lourde composée de 4 pièces de 340 mm couvrant 360°, installée dans un réduit au centre du navire, secondée par 4 pièces de 274,4 mm et 6 de 138,6 mm réparties sur le gaillard, ainsi que 18 canons revolvers Hotchkiss de 37 mm disposés en barbettes réparties autour de la coque, auxquels venaient s’ajouter 4 tubes lance-torpilles. La Dévastation et le Courbet, son sister-ship lancé en 1882, étaient les cuirassés les plus puissants et modernes de leur époque.

Fin 1881, la Dévastation réalisait ses essais en mer près de Belle-Île. Durant cette période, elle talonna les Trois Pierres aux abords de Lorient, un écueil marquant l’entrée de la rade qui sera finalement doté d’un feu quelques années plus tard.

Le 15 juillet 1882, après de multiples modifications, le cuirassé, servi par 689 hommes d’équipage, entra enfin en service comme navire amiral au sein de l’escadre de réserve, à Brest. Début 1885, le cuirassé quitta Brest pour Toulon où il intégra l’escadre de Méditerranée. De 1886 à 1891, il participa à toutes les campagnes en Algérie, Tunisie, Égypte, Grèce ou Israël.

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Le 30 octobre 1895, un accident survint lors de la manœuvre avec une chaloupe à vapeur, les attaches se sont rompues, provoquant la chute de l’embarcation et occasionnant la mort de 3 marins. En 1897, devant Smyrne, le vapeur anglais Othis coupa en deux accidentellement l’un des canots, causant la mort de plusieurs marins de la Dévastation.

En septembre 1899, la Dévastation a été versée à l’escadre du Nord à Brest. À l’occasion d’une refonte, sa motorisation et son armement ont été modifiés pour le moderniser après des années de bons et loyaux services. Son look changea aussi, puisqu’il perdit un mât dans son gréement qui devint plutôt symbolique. En effet, la propulsion à vapeur avait désormais pris le pas sur la voile. Au début de l’année 1903, sortant du port de Brest, le cuirassé s’échoua dans la rivière Penfeld, provoquant des dégâts mineurs.

En 1908 alors qu’elle était placée en réserve depuis quelque temps, la Dévastation fut désarmée et servit de dépôt annexe. L’armement fut alors démonté pour être réutilisé par ailleurs. En 1911, le vieux cuirassé servait encore de bâtiment-école aux mécaniciens avant de servir à l’école des manœuvriers. En 1914, la Dévastation rallia définitivement Lorient.

Durant la Première Guerre mondiale, la Dévastation est transformée en centre de détention permettant d’accueillir près de 700 prisonniers de guerre allemands capturés en Flandre. Enfin en 1920, le cuirassé à la retraite, ou plutôt ce qu’il en restait fut remis à l’administration des Domaines et proposé aux enchères. En 1921, un ferrailleur parisien obtint de la Marine la cession de la Dévastation, avant de la revendre à une compagnie de démolition allemande.

Le 7 mai 1922, la Dévastation quittait le port de Lorient en remorque des vapeurs allemands Achille et Larissa, pour un chantier de démolition hambourgeois.

Les restes de l’épave apparaissent à marée basse, non loin de la plage

Au beau milieu de la passe, face à Larmor Plage, le cuirassé, mal dirigé par les deux remorqueurs dont l’un le tirait en flèche pendant que l’autre le tenait à couple, se déporta progressivement vers le bord du chenal et talonna sur la roche du Pot avant de s’échouer. La coque déchirée avec 30° de bande, menaçant de glisser et d’obstruer la passe, il fut rapidement déplacé par les remorqueurs sur les rochers de l’Écrevisse, afin de ne pas gêner la navigation.

Par la suite, plusieurs tentatives de relevage se soldèrent par des échecs. Finalement, le 16 avril 1927, après de nombreux essais, l’épave fut remise à flot après l’obstruction des trous et l’injection d’air comprimé à l’intérieur. Le 3 juin, elle fut déplacée aux abords de la cale de Larmor-Plage, où elle a été partiellement découpée. Le reste de La Dévastation dont l’épave se dégrade au fil du temps fait maintenant partie du décor de la plage de Toulhars. Aujourd’hui, il est bien difficile au vu de ce qu’il reste de cette épave de s’imaginer ce que fut la Dévastation. Les membrures ne sont visibles que sur une cinquantaine de mètres et ne remontent que sur un mètre environ. Elles émergent d’ailleurs à marée basse, encadrées par deux balises cardinales Nord et Sud, aux coordonnées : latitude 47°42’ 352 N et longitude 3° 22’ 726 W. Mais il n’en demeure pas moins que, comme toute épave, la Dévastation saura solliciter l’imaginaire de tous les plongeurs. Ce d’autant plus qu’elle est accessible aux moins chevronnés d’entre eux, puisqu’elle repose sous quelques mètres d’eau seulement et qu’elle est accessible depuis la plage, idéale pour les explorateurs novices.

Retrouvez l’intégralité de l’histoire de la Dévastation sur le livre : Naufrages en pays de Lorient (nouvelle édition), de Jean-Louis Maurette et Christophe Moriceau, édité par les Editions Scyllias. Lien : www.scyllias.fr

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