Chaque jour, une épave : 5 mai 1945, l’U 534, sa triple vie et et son secret

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

Si vous avez toujours rêvé de visiter l’intérieur d’un U-Boot sans avoir à plonger très profond ou dans des conditions difficiles, sachez que c’est possible. A l’occasion d’un petit voyage chez nos voisins Anglais, faites donc un détour par Liverpool, vous y trouverez l’U 534, coulé le 5 mai 1945 et qui, après bien des tribulations, a commencé une nouvelle (tranche de) vie…

L’U 534 était un sous-marin allemand de type IX-C/40, un sous-marin à longue portée utilisé par la marine allemande de 1942 à 1945. Construit en 1942 aux chantiers de Hambourg pour la Kriegsmarine, il mesurait 76 mètres de long sur 7 mètres de large et 5 mètres de tirant d’eau, pour un déplacement en surface de 1120 tonnes (1232 tonnes en plongée). Il était propulsé en surface par 2 moteurs diesel de 2200 cv chacun pour une vitesse de 18 nœuds et en plongée, par 2 moteurs électriques de 500 cv chacun, pour une vitesse de 7,5 nœuds. Il était armé d’un canon de 105 mm et de 2 canons de 37 mm. Il était aussi équipé de 6 tubes lance-torpilles (4 à l’avant et 2 à l’arrière). Il était manœuvré par 51 marins. Ce qui faisait la particularité du type IX-C/40, c’est son autonomie de près de 13500 milles nautiques, qui lui permettait d’atteindre l’Amérique sans ravitaillement.

L’U 534 était utilisé principalement comme une plate-forme pour tester des armes. Il a également opéré comme un navire météorologique dans l’Atlantique Nord. Dès l’été 1942, il a été envoyé à la base sous-marine de Bordeaux, en France pour effectuer quelques patrouilles sur la côte Atlantique, puis est revenu quelque temps plus tard à Kiel en Allemagne. Là, il est resté jusqu’en mai 1945. Au cours des quelques patrouilles qu’il a exécutées, il n’a coulé, ni même endommagé aucun navire.

L’U 534 lors de l’attaque du 5 mai 1945

Le 4 mai 1945, la plupart des forces allemandes ont commencé à se rendre aux Alliés. Mais son commandant, le capitaine Herbert Nollau, ne l’entendait pas de cette oreille et contrairement à ses semblables, continua sa mission. Il avait reçu l’ordre de l’Amiral Dönitz lui-même (chef de la flotte sous-marine allemande et successeur d’Hitler à la tête du 3e Reich après le suicide de celui-ci), de prendre la mer le 2 mai vers une destination qu’on a supposée être Kristiansand en Norvège. Quand Dönitz a ordonné la reddition de tous les sous-marins, l’U 534 a poursuivi son chemin. On ne sait pas si Nollau n’a pas reçu l’ordre ou a refusé de l’accepter. De là, on a supposé que l’U 534 devait transporter quelque chose (ou quelqu’un) d’important qui ne devait pas tomber aux mains des alliés… Une personnalité ? Une partie du trésor nazi ? Des documents secrets ? Où allait-il réellement ? Avec une autonomie de 13500 nautiques, il aurait pu aller jusqu’en Argentine, pays où se sont réfugiés beaucoup d’anciens nazis après la guerre. L’un des membres de l’équipage était en effet un opérateur radio argentin. Nollau lui-même a refusé de dire où il allait.

Une charge explose par tribord arrière

L’U 534 a été coulé le 5 mai 1945 dans le Kattegat, au nord-ouest d’Helsingör près d’Anholt, une île danoise. Il a d’abord été attaqué par un avion britannique Liberator (Sqdn 86). Mais celui-ci a été abattu et s’est écrasé en mer, tuant tout son équipage. Un deuxième Liberator est survenu et a lâché 10 charges explosives de profondeur autour du sous-marin, en deux attaques successives. Les premières charges tombèrent trop loin, mais lors de la deuxième attaque, l’une des charges de profondeur est tombée tout près du pont de l’U 534 et a explosé, directement sous U-534 par tribord arrière.

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Tout l’équipage allemand a pu s’échapper de l’U-534 avant qu’il ne coule, mais trois d’entre eux se sont noyés en attendant les secours. Les 49 rescapés ont ensuite été recueillis par des canots de sauvetage d’un bateau-phare qui se trouvait à environ un mille de distance. L’opérateur radio argentin faisait partie des 3 victimes.

Avec le temps, les rumeurs ont persisté, et inévitablement, les gens ont tenté de trouver U-534. La question restait posée sur la cargaison de l’U 534. Son rayon d’action très important faisait pencher la balance vers une (ou des) personnalité(s) qui tentaient de rejoindre l’Amérique du sud, mais l’hypothèse des trésors pillés dans les pays occupés, que l’on envoyait en Amérique du sud pour les nazis qui s’y étaient déjà réfugiés, était bien plus alléchante. En tout cas, la présence de l’opérateur argentin donnait la quasi-certitude sur la destination finale du sous-marin. La seule personne qui savait était le Capitaine Nollau et il ne l’a jamais dit, en emportant le secret dans sa tombe.

Le renflouage de l’épave de l’U 534. On espérait y trouver un trésor…

Plus de quarante ans après le naufrage de l’U 534, un plongeur danois, Agae Jensen a trouvé l’épave en 1986 et une fois de plus les rumeurs ont recommencé à enfler. En 1992, un éditeur danois millionnaire, Karsten Ree s’est intéressé au sous-marin et a décidé de monter une opération de sauvetage pour découvrir une fois pour toutes, le mystère de l’U 534. L’opération de levage très coûteuse menée par la société néerlandaise de renflouage Smit Tak, a duré plus de quatre semaines avec l’étroite coopération de la marine néerlandaise (pour quelle raison, la présence de la marine néerlandaise ??). Après avoir enlevé cinq tonnes de torpilles de l’épave, le sous-marin a été transporté à Grenaa où il a été entièrement fouillé. Si aucun trésor n’a été trouvé dans l’épave, on a en revanche pu en extraire plus de deux tonnes de documents, que l’on devine ultra-secrets.

L’U 534 en exposition sur le quai de Birkenhead

En 1993, après avoir révélé tous ses secrets, l’U 534 était à l’abandon a presque fini dans une casse avant d’être pris en charge par une association de préservation des navires de guerre. En 1996, l’épave a été chargée sur une énorme barge et remorquée jusqu’aux quais de Birkenhead, à Liverpool en Angleterre, où elle a été exposée en l’état au Musée maritime Nautilus de Birkenhead.

Le 5 février 2006, le musée a été fermé et une nouvelle fois, le sous-marin est resté à l’abandon sur un quai de Birkenhead. La Mersey Travel Transit Authority en a ensuite fait l’acquisition pour l’exposer près du terminal de Woodside, où il est demeuré jusqu’à aujourd’hui. On peut dorénavant le visiter, mais pour cela, l’U 534 a dû subir une opération chirurgicale…

Le 21 octobre 2007, Merseytravel a annoncé que l’U-boot serait coupé en quatre pour faciliter son transport vers son nouveau site. Il serait ensuite présenté sous cette forme pour permettre aux visiteurs un meilleur accès et une meilleure visibilité. Merseytravel a déclaré que la préservation de la coque intacte aurait créé des frais de transport prohibitifs et c’était la seule solution pour lui éviter la casse.

Après son découpage en 4 tronçons, l’U 53′ a été exposé de façons à ce que les visiteurs aient un bon point de vue sur l’intérieur

Le 6 février 2008, une équipe de techniciens a commencé le découpage de l’U-boot, l’opération devant durer un mois. À partir du 10 mars, les sections, chacune pesant près de 240 tonnes, ont été déplacées individuellement grâce à une grue flottante. La nouvelle présentation du sous-marin a ouvert le 10 février 2009 au terminal maritime de Woodside.

Loup gris devenu agneau pour le plaisir des touristes…

D’aucuns regretteront que l’on ait découpé un U-Boot comme un vulgaire saucisson, lui enlevant ainsi tout le charme du navire, comme on peut le voir sur les très rares exemplaires qui existent encore. C’est le cas notamment de l’U 995 exposé sur le littoral de Laboe, près de Kiel en Allemagne, tout près des chantiers d’où sont sortis des dizaines d’U-Boote, ou encore de l’U 505 exposé dans un musée spécial à Chicago.

L’U 995 exposé entier à Laboe, près de Kiel en Allemagne

Pouvoir observer les « loups gris » dans leur intégralité et dans leur état d’origine offre évidemment un meilleur ressenti de la puissance de ces armes qui furent si dévastatrices. Pourtant la solution trouvée à Liverpool pour l’U 534 était non seulement plus économique, mais permet désormais au public de visiter plus facilement les différentes tranches en se répartissant entre chacune d’elles.

L’U 505 exposé dans un musée à Chicago aux Etats Unis

D’autre part, contrairement aux autres U-Boote exposés, l’U 534 est une épave qui a séjourné de longues décennies sous les eaux. L’intérieur a été laissé « dans son jus » et n’a subi aucune réfection. On peut ainsi visiter l’intérieur comme un plongeur le ferait sous l’eau et dans l’état exact où il le trouverait, sans avoir à prendre le risque de pénétrer dans une épave immergée.

Les visiteurs peuvent voir l’intérieur dans son état, comme un plongeur explorerait l’épave sous l’eau

L’U 534 aura donc eu plusieurs vies, même si le dangereux loup gris est devenu bien docile après avoir été coupé en rondelles… Quant à la mission secrète du sous-marin, pour laquelle il refusa de se rendre le 5 mai 1945, nous ne la connaîtrons certainement jamais. Le capitaine Nollau s’est suicidé en 1968, sans avoir parlé…

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