Chaque jour, une épave : 31 décembre 1943, Piccadilly Commando et Speed Ball

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

En ce 31 décembre, les épaves évoquées ne seront pas des bateaux, mais des avions… Le 31 décembre 1943, une cible a été désignée aux bombardiers de la 8e US Air Force stationnés en Angleterre : l’aérodrome de Mérignac près de Bordeaux, d’où des avions allemands à longue portée harcelaient les convois alliés transportant du matériel de guerre vital à la Grande-Bretagne. Il y avait aussi des cibles secondaires, comme les aérodromes de Saint-Jean-d’Angély et de Cognac, et l’usine industrielle d’Ivry, près de Paris.

La force de bombardement américaine prévue pour attaquer Mérignac se composait de quelque 175 Forteresses Volantes, escortées par des centaines de chasseurs Thunderbolt et d’éclaireurs P-38, ainsi qu’un groupe de Mustangs. De son côté, la R.A.F. de Sa Majesté fournissait aussi des Spitfires et des Typhoons. Une escadre particulièrement imposante composée de plus d’un millier d’avions au total. Vers 7 h 30, les avions ont commencé à décoller de leurs diverses bases; Les machines lourdement chargées de carburant, de bombes de 500 livres et de munitions avaient besoin de la forte puissance que leurs quatre moteurs Wright Cyclone pour faire prendre l’air à ces forteresses de 30 tonnes. Arrivés sur les côtes françaises, la Flak allemande (artillerie anti-aérienne) a ouvert le feu.

Dans cette formation géante, nous allons nous intéresser à deux avions en particulier, deux B17 « Forteresse Volante » : l’un était surnommé Speed Ball et l’autre, Piccadilly Commando, comme c’était l’usage dans le groupe des bombardiers. Construits par Boeing en 1942, les B-17 F « Forteresse Volante » étaient des bombardiers de 20,8 mètres de long sur 31 mètres d’envergure, propulsés par 4 moteurs radiaux (en étoile) d’une puissance totale de 3000 à 4800 cv (selon les modèles) et armés de plusieurs tourelles de mitrailleuses en plus de leur cargaison de bombes. Leur équipage se composait de 10 hommes.

Les deux avions étaient affectés au 351e Bomb Group et au 511th Bomb Squadron. Speed Ball était déjà entré en action lors de bombardements à Courtrai en Belgique, Emden, Wilhelmshaven, Hanovre, Hambourg, Schweinfurt en Allemagne. Piloté par le lieutenant Albert E. Jones et le lieutenant Kenneth L. Vaughn, ce vétéran était sur sa 25e mission.

Piccadilly Commando pour sa part, était affecté au 509th Bomb Squadron. Comme Speed Ball, il avait aussi vu beaucoup d’action, à Huls, en Allemagne, Nordenheim, Le Mans, Villacoublay, Hanovre et Schweinfurt. Piloté par le lieutenant Willis Smith et le lieutenant Harlan Bixby, au moins une fois auparavant, Piccadilly Commando avait survolé l’espace aérien des îles Anglo-Normandes en participant à une attaque sur la zone portuaire de Nantes le 23 septembre.

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Les bombardiers ont traversé la côte bretonne près de Treguier vers 10h15 et ont signalé une opposition ennemie féroce, mais les escortes ont efficacement contré ce mouvement. Toujours en direction du sud, la force passait à l’ouest de Lorient avant de se diriger vers le golfe de Gascogne vers 10h35, puis de remonter à 18 000 pieds et de changer de direction vers le sud-est. Peu avant midi, la côte française était à nouveau franchie au sud de Bordeaux avant que l’escadre ne se dirige vers le nord en direction de l’aérodrome de Mérignac. La cible a été atteinte à 12h30 mais était couverte par un épais nuage. La décision a donc été prise d’attaquer l’objectif secondaire – l’aérodrome de Château-Bernard, à deux miles au sud de la ville de Cognac. Un aérodrome important, il était encore en construction au début de l’occupation allemande et a été développé plus tard comme une base alternative pour les bombardiers à longue portée Focke Wulf 200 de la Luftwaffe. Depuis 1942, cependant, il était surtout utilisé comme école d’entraînement aux bombardiers où l’on enseignait les tactiques anti-navigation et le vol de nuit.

En arrivant sur l’objectif, le 351e Bomb Group subit immédiatement un tir anti-aérien intense et meurtrier. A 12h50, un total de 168 bombes de 500 livres tombaient sur la cible suivi d’un deuxième passage avec 174 bombes et un troisième passage avec 204 bombes. Plusieurs avions furent gravement touchés par la Flak. Après avoir dégagé la zone cible, les Forteresses survivantes se dirigèrent vers l’ouest et s’éloignèrent de la côte sur le golfe de Gascogne.

À 14 h 35, l’escadre de combat commençait son vol de retour à travers la péninsule de Bretagne et fut à nouveau attaquée, cette fois par des chasseurs allemands. Pour la deuxième fois ce jour-là, des Thunderbolts P-47 se trouvaient dans la zone des îles Anglo-Normandes, offrant une protection aux bombardiers. Dans le combat aérien qui s’ensuivit, un Thunderbolt piloté par le lieutenant William A. Marangello s’écrasa dans la mer au nord des Minquiers.

Speed Ball fut à son tour pris à partie, perdant un moteur subissant de sévères dégâts sur un autre . Au cours de ces attaques, Raymond Bittner, le mitrailleur de queue, a été grièvement blessé et n’a jamais repris conscience. Le pilote Albert Jones fut contraint de tenter un amerrissage forcé à 14 h 30, à environ 12 milles au nord de Guernesey, les neuf membres d’équipage survivants purent évacuer l’avion dans des canots de sauvetage, avant que l’avion disparaisse sous les flots.

Piccadilly Commando a également connu l’enfer de la Flak au-dessus de Cognac, mais l’équipage a réussi à prendre le chemin du retour, avec les projectiles de la Flak éclatant tout autour d’eux et des éclats mortels d’acier transperçant la carlingue. Peu de temps après les bombardements, la forteresse frémit lorsqu’un obus de gros calibre éclata à proximité, détruisant l’un des moteurs et endommageant les systèmes électriques, entraînant une perte de vitesse et d’altitude ; miraculeusement, aucun membre de l’équipage n’a été blessé. Willis Smith a dirigé le bombardier vers le golfe de Gascogne avec le reste de la formation. Les chasseurs allemands ont commencé à attaquer les avions endommagés alors qu’ils battaient en retraite vers le nord lors du long vol de retour. Plusieurs bombardiers ont été victimes des attaques des avions allemands et Piccadilly Commando réussit encore une fois à s’en sortir sans trop de dégâts, subissant cependant la perte d’un deuxième moteur, ce qui a réduit encore sa vitesse et perdant de régulièrement de l’altitude. Les forts vents contraires le freinaient sérieusement et, en traversant la côte nord de la Bretagne, il devenait trop évident qu’elle ne disposerait pas de suffisamment de carburant pour terminer la traversée de la Manche.

Alors qu’ils se rapprochaient inexorablement des eaux grises et froides, Willis Smith donna l’ordre d’alléger l’avion et l’équipage se mit à jeter tout ce qui était détachable, comme des mitrailleuses, des unités de radio, des fréquencemètres et des combinaisons pare-balles.

Dans le poste de pilotage, Willis Smith, avec l’aide de Harlan Bixby, le copilote, se concentra sur la tâche de faire amerrir le gros bombardier en toute sécurité sur l’eau. A droite, il aperçut l’île de Guernesey et décida de descendre le plus près possible du rivage pour offrir à son équipage les meilleures chances d’être secouru. Piccadilly Commando était maintenant à quelques dizaines de mètres au-dessus des vagues près de la côte ouest de l’île, quand soudainement l’avion subit une nouvelle salve des défenses côtières ainsi que la Flak. Encore une fois, leur chance ne les a pas abandonnés et, bien qu’il semble certain que l’appareil ait été touché, son équipage s’en est sorti sain et sauf. Puis les hommes prirent leurs positions d’amerrissage et attendirent. Le premier impact fut peu violent, mais le second fut plus lourd suivi d’une décélération rapide. Quelques secondes plus tard, l’eau salée froide envahissait l’appareil et les aviateurs commencèrent à évacuer à travers la trappe dans le toit du compartiment radio. Willis Smith et Harlan Bixby sortirent quant à eux par les fenêtres du poste de pilotage, puis rejoignirent le reste de l’équipage dans la mer.

Un seul des radeaux de sauvetage s’était gonflé, l’autre ayant peut-être été endommagé par les attaques infligées au bombardier. Les naufragés regardèrent ensuite Piccadilly Commando s’enfoncer dans l’eau agitée, avant de se briser en deux et disparître sous les vagues. Willis Smith avait fait un travail magnifique face à des difficultés épouvantables en réussissant à poser avec succès son bombardier gravement endommagé qui, au dernier moment, avait perdu toute manœuvrabilité, dans une mer agitée et sous un tir de barrage intense. L’amerrissage s’est passé entre 15h37 et 15h46, ce 31 décembre 1943. Le réveillon du Premier de l’An était fortement compromis…

Quand le canot de sauvetage atteint la côte, les hommes débarquèrent et grimpèrent hors d’atteinte des vagues ; il ne fallut pas longtemps pour qu’ils soient faits prisonniers et les jours suivants, ils furent envoyés sur le continent, à Saint Malo, avant de prendre la direction d’un camp de prisonniers en Allemagne.

Les hommes du Speed Ball n’ont pas eu cette chance. Seuls Kenneth Vaughn, le copilote, et Charles Bronako ont survécu et furent trouvés par des militaires allemands.

A Saint Malo, alors que les soldats allemands leur faisaient traverser la ville à pied en direction de la gare où ils devaient prendre le train vers l’Allemagne, les aviateurs prisonniers se sont quand même payé le luxe de siffler la Marseillaise, provoquant des menaces de leurs geôliers, mais aussi des applaudissements de la foule des Français qui les regardaient passer…

Si l’on ne sait pas ce qu’est devenue l’épave du Speed Ball, des plongeurs de Guernesey ont retrouvé Piccadilly Commando. L’épave était en partie couverte de sable sur un fond de sable et de gravier à une quinzaine de mètres de profondeur ; les quatre moteurs Wright sont toujours en place mais toutes les pièces en aluminium ont disparu. Une hélice est présente, une seconde ayant été récupérée en 1981.

Un hôtelier local prévoyait de récupérer l’appareil et de l’exposer dans son établissement. Un examen effectué par une équipe d’archéologie nautique de Guernesey a révélé que l’avion était cassé en deux à l’arrière des ailes.

La propriété de tous les aéronefs militaires dépendant directement du Ministère de la Défense (qui agit également au nom des intérêts américains et allemands), il était nécessaire d’obtenir une autorisation officielle pour renflouer le bombardier. Après avoir fait une demande, Mick Peters a obtenu une licence et l’équipe a entrepris plusieurs plongées de sondage en 1989. Mais l’avion n’a pas pu être remonté car toutes les pièces en aluminium avaient disparu, seule restait la charpente métallique et toutes les pièces en acier telles que les moteurs ou trains d’atterrissage. Les objets récupérés comprennent une mitrailleuse de 5 pouces, des réservoirs d’oxygène, une torche (avec ses batteries toujours prêtes à fonctionner !) des parties du tableau de bord et quelques chaînes de fixation des bombes.

Piccadilly Commando est régulièrement visité par les clubs de plongée de Guernesey, aux coordonnées suivantes : latitude 49° 31’ 091 N et longitude 02° 31’ 626 W.

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