Publicité

Par Paul Poivert

La plongée hivernale en eaux froides, comme sous la glace, dans les plans d’eau de montagne ou encore en zone polaire, bien qu’offrant des spectacles extraordinaires, suscite souvent de la crainte chez les plongeurs de loisir. La raison ? Le froid, bien sûr. Si la question du confort trouve une réponse dans l’utilisation de vêtements étanches doublés de sous-vêtements thermiques, reste un problème de sécurité, posé par les risques de givrage des détendeurs. Des progrès sont faits dans ce domaine, mais est-il possible aujourd’hui de maîtriser ces risques, et comment réagir si le problème se présente ?

Aujourd’hui, la technologie a atteint un tel niveau de qualité que la plupart des détendeurs sont extrêmement fiables. Leurs performances sont telles qu’elles dépassent de très loin les besoins du plongeur. C’est un peu comme si l’on utilisait une formule 1 pour rouler sur une route limitée à 90 km/h… Ainsi, les bancs d’essais ou autres comparatifs ne trouvent pas grand-chose à critiquer et ne peuvent que déplorer des aspects secondaires comme la forme ou la couleur. En fait, le seul critère qui peut guider le choix de l’acheteur est uniquement une question de préférence par rapport au look ou à la position des différents accessoires. Tous les tests effectués de façon la plus rigoureuse ne peuvent que confirmer, à force de courbes et de diagrammes, que votre détendeur est capable de vous délivrer infiniment plus d’air que vous n’en avez besoin. Par exemple, un détendeur qui délivre 3000 litres / minute est évidemment très performant. Mais pour un plongeur qui respire environ 20 litres / minute (même, si on transpose à une profondeur de 60 mètres : 140 litres / minute), on voit tout de suite que la marge est énorme. Alors sortir un nouveau détendeur débitant 3500 litres / minutes au lieu de 3000, est certainement une belle performance technique, mais absolument inutile pour le plongeur de loisir. Tout le reste n’est qu’affaire de marketing…

Tous les fabricants de détendeurs présentent dans leur gamme des modèles «anti-givre». Qu’en est il exactement ? Tout d’abord, il faut partir du principe qu’aucun détendeur ne peut garantir l’absence de givrage à 100%. Cela ne remet pas en cause la qualité du détendeur, car il peut y avoir des causes internes ou externes provoquant le givrage.

Mais quand la température de l’eau descend en-dessous de 10°, il existe un risque de givrage qui est la conséquence de plusieurs événements associés.

A l’étude des cas de givrage survenus avec différents équipements, il s’avérait que les détendeurs à membrane avaient une longueur d’avance sur les détendeurs à piston. Cette différence a été atténuée avec le temps, par l’isolation de la chambre humide du premier étage, où avaient tendance à se former les cristaux de glace, conséquence du refroidissement provoqué par la détente de l’air à haute pression. On a d’abord rempli cette cavité de silicone, mais cette solution présentait quelques inconvénients et avait tendance à diminuer le confort respiratoire. Aujourd’hui, une meilleure solution a été trouvée avec la chambre sèche. Pas d’eau, donc pas de glace, CQFD !

Publicité

Dans l’absolu, cette solution est excellente, mais elle ne suffit pas. La détente de l’air haute pression consomme beaucoup d’énergie, abaissant d’autant la température dans le premier étage. Si l’on fait fuser de façon importante, la température interne peut descendre jusqu’à -100°C et le premier étage va se couvrir d’une épaisse couche de givre. Il faut donc favoriser les échanges thermiques avec l’extérieur, car même dans une eau à 0°, le gradient de température est important et permet l’évacuation du froid. Il y eut une tendance à isoler le plus possible de corps du détendeur de l’environnement, en l’habillant de caoutchouc ou de silicone. C’était une erreur car cette isolation conservait le froid à l’intérieur et empêchait le réchauffement interne. Actuellement, on se rend compte qu’il faut au contraire supprimer plus possible de parties en plastique, pour revenir au métal, meilleur conducteur thermique. On y ajoute même des pièces métalliques supplémentaires pourvues d’ailettes, faisant office de «radiateurs».

Dans la pratique, pour éviter le givrage, il faut éviter de respirer trop vite, ou bien de respirer et utiliser le direct system en même temps, ce qui augmente le débit et donc, le refroidissement.

Sur ce premier étage, on voit très bien e “radiateur” chargé des échanges thermiques

Mais la cause la plus importante de givrage, contre laquelle la technologie ne peut rien, c’est la présence d’humidité dans l’air provenant du compresseur lors du gonflage. Cette humidité contenue dans l’air à haute pression, va très vite se transformer en glace lors de la détente, et ce, à l’intérieur du premier étage, bloquant ainsi tout le mécanisme. Il faut donc être très vigilant sur la qualité de filtration de l’air à l’entrée du compresseur et ne pas hésiter à ajouter un filtre supplémentaire si nécessaire. En plongée polaire, quand l’eau est voisine de 0° (ou même à -1°, température de l’eau fréquente en Antarctique), on a expérimenté une technique qui consiste à régler le premier étage de façon à baisser la moyenne pression, abaissant ainsi la force de détente, ce qui diminue la vitesse de débit et donc le refroidissement, tout en gardant un débit nettement supérieur aux besoins du plongeur.

L’entrée du second étage possède elle aussi son “radiateur”

Même en respirant modérément, il peut se produire un givrage au niveau du deuxième étage, du fait de la présence d’humidité (condensation, haleine, eau) aux abords du clapet et de son siège. Des cristaux de glace se forment à ce niveau, empêchant l’étanchéité du clapet sur son siège. Le détendeur se met alors à fuser, d’abord légèrement, puis de plus en plus fort. Il suffit de passer sur le second détendeur (obligatoire en plongée en eau froide) et fermer le robinet correspondant. Mais cela n’est possible que si un coéquipier se trouve assez proche pour réagir immédiatement.

Il existe un truc tout simple qui peut vous sauver, ou tout au moins éviter que votre plongée tourne au cauchemar :

Il suffit de pincer le tuyau de moyenne pression comme on le ferait avec un tuyau d’arrosage, en le coudant et en serrant les deux parties du tuyau l’une contre l’autre, empêchant ainsi l’air de passer. Le deuxième étage, privé du refroidissement dû au passage de l’air, va subir un réchauffement au contact de l’eau environnante et les cristaux de glace vont fondre. Au bout de quelques minutes, le détendeur est de nouveau opérationnel. Pendant ce temps, on utilise, bien sûr, deuxième détendeur ou l’octopus (vu que dans ce cas précis, le givrage se trouve au niveau du second étage, l’octopus reste opérationnel). Cette technique consistant à pincer le tuyau de moyenne pression n’est possible que sur les tuyaux en caoutchouc (les classiques tuyaux noirs qui équipent la grande majorité des détendeurs). Il est bien évident que sur un tuyau en fibre rigide du genre « Miflex », cela est impossible car ce genre de tuyau ne peut pas se pincer… A éviter donc lors de plongées en eaux très froides !

La sécurité veut qu’en cas de plongée en eau très froide, le bloc soit équipé de deux détendeurs complets. On peut alors répartir les tuyaux entre les deux détendeurs, par exemple en plaçant le tuyau du direct system du gilet stabilisateur sur le deuxième détendeur, de façon à diminuer les débits simultanés respiration + inflation.

2 COMMENTS

  1. Bonjour,
    La t° de l’eau de mer en Antarctique descend plus bas que -1°C, on frôle plus les -2°C. L’eau de mer gèle à -1,9°C, cela accentue donc les risques de givrage et le débit continu du 2e étage.
    La qualité de l’air est importante mais aussi le comportement du plongeur, on se mettra à l’eau avec le 2e étage déjà en bouche pour limiter l’humidité dans le 2e étage. Et ralentir, l’activité du plongeur est bien venue.
    Pour avoir testé toutes sortes de configurations, les premiers étages étrier résistent mieux, toujours pour des raisons de surface d’échanges thermiques plus grande avec le milieu.
    Pour gérer les éventuels débits continus, une configuration de bloc tête en bas est judicieux pour accéder plus facilement aux robinetteries. L’idéal est un bi-bouteilles avec une protection de robinets.

LEAVE A REPLY

Entrez votre commentaire s'il vous plaît !
Veuillez entrer votre nom ici


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.