Chaque jour, une épave : 15 décembre 1940, le mystère du Narval

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

La plaque avec l’insigne du Narval

Le Narval était un sous-marin français de classe « Requin », du type de « sous-marin de première classe de grande patrouille.» Construit aux chantiers de l’arsenal de Cherbourg en 1925, il fut mis en service dans la Marine Nationale française le 23 juillet 1926. D’une longueur de 78 mètres pour une largeur de 7 mètres et un tirant d’eau de 5 mètres, il était motorisé pour les déplacements en surface, de deux diesels de 1450 cv pour une vitesse de 16 nœuds et pour la plongée, de deux moteurs électriques de 900 cv pour une vitesse subaquatique de 10 nœuds. La profondeur maximale où il pouvait descendre était de 90 mètres. Il était équipé de 6 tubes lance-torpilles (quatre à l’avant et deux à l’arrière) et 4 tubes lance-torpilles orientables sur le pont. A bord, l’équipage était composé normalement de 54 hommes (50 seulement au moment de sa disparition) sous les ordres du Capitaine de Corvette François Drogou.

Le 22 juin 1940, à 18 h 50, dans la clairière de Rethondes, le maréchal allemand Keitel et le général français Huntziger signent l’armistice. La bataille de France se termine sur un accord inespéré pour les armées du Reich qui n’avaient jamais caressé, dans leurs rêves les plus fous, un effondrement aussi rapide et total de ce qui était, sur le papier, quelques mois auparavant, l’armée la plus puissante d’Europe. En cette période dramatique, une voix s’est déjà élevée, à Londres, sur les ondes de la B.B.C., le 18 juin, afin d’unir les forces désireuses de continuer le combat. Il s’agit de l’appel de celui qui va bientôt incarner l’âme de la Résistance et devenir le plus célèbre des Français libres : Charles de Gaulle. Il n’est heureusement pas seul et d’autres hommes ont aussi manifesté leur volonté de poursuivre, envers et contre tous, la lutte. Certains sont aviateurs, légionnaires, marins, coloniaux, ingénieurs, boulangers, d’autres préfet ou manœuvres, mais ils représentent tous ce que la nation a de meilleur. Tous partiront rejoindre la bannière de cette nouvelle armée à pied, en vélo, en avion, sur des bateaux de pêche et, pour certains, en sous-marin…

Le Narval

Fin juin 1940, le sous-marin de première classe Narval, appartenant à la 11eme division de sous-marins avec les Marsouin et Requin, sous le commandement du lieutenant de vaisseau François Drogou, regagne sa base de Sousse après une mission qui l’a amené à croiser entre la Tunisie et l’île de Pantelleria, les Italiens ayant déclaré les hostilités le 10 juin. C’est en arrivant au port que l’équipage du submersible français apprend, avec stupeur, la signature de l’armistice. Le commandant Drogou est un officier de valeur, exemplaire, d’une intégrité sans faille et très apprécié de ses hommes. Il possède ce qui va tant manquer à ses pairs : une conscience et du courage ! Il est, de plus, secondé par des adjoints de la même trempe et attachés aux mêmes valeurs, tels que les lieutenants de vaisseau Jacques Sevestre et Paul Rimbaud. Le commandant Drogou, par ses qualités humaines et professionnelles, incarne l’âme du Narval et n’est pas homme à accepter le déshonneur d’une défaite alors que les possibilités de continuer la lutte existent. C’est ainsi que, le 24 juin, à 23 h 30, le Narval appareille sans autorisation mais sans se cacher en direction de Malte afin de rallier les Anglais et poursuivre le combat avec une partie de l’équipage. Le lieutenant de vaisseau Drogou donne, tout d’abord, l’ordre d’expédier au Requin, alors à la mer, le message : « Trahison sur toute la ligne je fais route sur un port anglais » et ensuite, à tous les autres bateaux sous la signature du commandant en chef des Forces maritimes françaises : « A tous bâtiments de guerre. Continuez lutte avec nos amis anglais – stop – Ralliez si besoin base britannique ».

L’équipage du Narval à Malte, peu avant sa disparition

Quand le sous-marin arriva à Malte, le pacha du Narval réunit l’équipage pour exposer la situation et la décision, qui a été la sienne, de quitter Sousse afin de rejoindre les Anglais. Il invite les hommes à choisir librement : ils peuvent rester à ses côtés pour continuer la lutte ou être rapatriés. Si onze officiers mariniers accompagnés de vingt-quatre quartiers-maîtres et marins optent pour le rapatriement, tous les officiers, un officier marinier et vingt-six quartiers-maîtres ou marins qu’anime un noble idéal choisissent de suivre leur commandant. Le 27 juin, le Commandant Drogou signifie, dans un télégramme adressé au général de Gaulle, le ralliement du Narval qui devient ainsi le premier grand bâtiment de guerre français à choisir le camp de la France libre.

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Le 25 septembre, le Narval appareille pour sa première mission en compagnie de son homologue de la Royal Navy, le HMS Rorqual, un submersible mouilleur de mines. Il revient le 7 octobre et repart le 25 en fin d’après-midi pour sa seconde patrouille dans une zone s’étendant de Lampedusa aux îles Kerkennah. Le 2 décembre, le sous-marin appareille à nouveau avec cinquante hommes pour une troisième mission à l’ouest de Lampedusa. Le 15 décembre 1940, le sous-marin disparaît et emporte avec lui la totalité de son équipage et de son état-major, hormis deux miraculés n’ayant pu embarquer car malades.

La disparition du Narval, premier bâtiment de guerre de la France libre perdu au combat, resta longtemps une énigme, les causes admises étant qu’il aurait heurté une mine ou eu un accident. Il fallut attendre qu’un bateau releveur d’épaves, appartenant à la société de récupération de métaux italienne Micoperi, localise l’épave d’un submersible, posée par 40 mètres de fond au nord-est de la bouée n° 3 des Kerkennah, en Tunisie, aux coordonnées suivantes : 35°03,000 Nord et 11°53,500 Est – pour éclaircir en partie le mystère entourant la disparition du Narval. Les scaphandriers italiens trouvèrent alors les vestiges, en bon état, d’un sous-marin ne pouvant être que le fameux Narval des F.N.F.L. Lors de travaux qui durèrent jusqu’en mai 1958, les Italiens récupérèrent (officiellement…) l’ancre, le canon (alors que nous avons constaté que celui-ci est toujours sur le site !), les deux hélices et des plombs de sécurité. Le 14 décembre 1960 eut lieu, aux Invalides, une cérémonie militaire et religieuse en mémoire de l’équipage du Narval des F.N.F.L. Notons qu’il est dommage que, trois ans plus tôt, nul n’ait songé, parmi les élites françaises pourtant au courant de l’existence de l’épave, à la nécessité de la protéger des ferrailleurs italiens et d’en faire un sanctuaire inviolable…

La partie avant, détachée du reste du sous-marin

Un gros segment, allant du chaumard de remorquage au poste des équipages, est détaché du sous-marin dont la partie principale repose plus loin, des débris épars reliant les deux parties. Cette disposition montre que le Narval était en navigation, et que les torpilles ont explosé, pulvérisant cette extrémité du submersible. Les causes possibles de cette explosion sont multiples : il peut s’agir de l’impact avec une mine, d’un grenadage par un bâtiment de surface mais aussi d’une bombe d’avion ou d’un torpillage par un autre submersible, mais on peut également imaginer une explosion accidentelle ou un sabotage avec, dans tous les cas de figure évoqués, l’explosion de tous les engins embarqués (deux en tubes et deux en réserve) par un phénomène dit « de sympathie ».

La tourelle

Xavier Gauthier, consul de France à Malte en 1940 et une grande figure de la France libre, déclara à l’époque de la disparition du Narval : « Tous ces hommes morts pour la France, un jour, la France leur rendra hommage ». Sept décennies plus tard, qu’en est-il réellement? Le Narval et son courageux équipage ont quelque peu sombré dans les oubliettes de l’Histoire alors qu’ils étaient, et représentent toujours, un magnifique symbole de l’esprit de Résistance, du courage et surtout d’une conscience qui leur avaient fait refuser l’inacceptable et les avaient poussé à lutter contre la barbarie nazie. Ces hommes exceptionnels étaient animés par un noble idéal et méritent qu’on leur redonne la place qui doit être la leur dans l’histoire de France contemporaine, au premier rang !

Article réalisé avec la collaboration de Jean-Louis Maurette, auteur du livre « L’épopée des sous-marins FNFL Narval et Rubis », et de l’Expédition Scyllias, https://www.scyllias.fr

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