Chaque jour, une épave : 26 décembre 1917, le Saracen

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

Le Saracen était un imposant vapeur anglais de 3272 tonnes, long de 103.6 mètres, large de 14.8 mètres pour 7 mètres de tirant d’eau et propulsé par une machine à vapeur à triple expansion de 326 cv lui donnant une vitesse de 10 nœuds. Lancé le 4 avril 1911 par les chantiers J.Priestman de Sunderland en Angleterre pour la ligne ottomane de la compagnie Pardoe-Thomas basée à Newport, le Saracen fut revendu en 1917 à la compagnie Letricheux de Swansea.

Le 26 décembre 1917, le Saracen, parti de Bilbao pour Glasgow avec ses trente quatre hommes d’équipage (dont vingt-cinq anglais) et un chargement de minerai de fer, s’était joint à un convoi d’une dizaine de bateaux faisant route pour faire escale au port de Brest. En tête se trouvaient deux patrouilleurs et autant en queue alors que le Saracen prenait la dernière place de la file de gauche. Ses deux anges gardiens les plus proches étaient l’Isabella Fowlie et l’Emeline.

Le convoi naviguait à environ 6 nœuds. Quatre hommes assuraient la veille et son commandant, John Ears Don Grant, était même absent de la passerelle de son navire. Hors, dans un passage aussi dangereux que le chenal du Four à la pointe de la Bretagne, la prudence aurait voulu qu’il reste à son poste. Son officier de quart pouvait être à même de diriger correctement le bateau mais ce ne fut pas le cas : il n’a pas tenu compte, ou ne s’est pas suffisamment méfié, d’un fort courant d’environ 1 mille à l’heure qui déviait peu à peu la route du vapeur.

Une première bouée de balisage signalant la roche des Plâtresses a été aperçue par bâbord, suivie d’une seconde peu après. Soudainement à 17h30 un ébranlement terrifiant secoua le Saracen pendant de longues secondes, alors que les marins médusés percevaient un bruit évoquant la forte friction du métal contre la roche ! La machine fut rapidement stoppée et l’on constata que l’eau avait commencé à envahir la cale n°2 et les soutes alimentaires. A aucun moment les hommes n’ont entendu d’explosion ou vu une gerbe d’eau qui aurait pu provenir d’une rencontre avec une mine ou une torpille.

Manifestement le Saracen avait dévié par le courant, faisant une route légèrement trop à l’ouest, et a heurté une roche. Il était 17h45 et des coups de sifflets frénétiques retentirent à bord du vapeur blessé mais toujours à flot. Dix minutes plus tard ce fut le « sauve qui peut », les hommes amenèrent deux embarcations de sauvetage et quittèrent le bord pour rejoindre l’Emeline, au grand dam du commandant de ce patrouilleur américain qui leur cria de retourner à bord et de tenter d’échouer leur navire. L’équipage du Saracen ne manifesta pas beaucoup d’enthousiasme pour cette action et tergiversa beaucoup, trouvant leur situation beaucoup plus confortable sur l’Emeline plutôt que de retourner sur un bateau en perdition qui risquait de les engloutir à chaque instant.

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Le commandant de l’Emeline, fort étonné par ce manque d’allant, questionna : « Pourquoi ne retournez-vous pas à bord ? ». Et obtint cette réponse : « Parce qu’il y a 6 pieds d’eau dans la cale n°2! ». Il apostropha ensuite son homologue, John Ears Don Grant, en ces termes : « Retournez à bord avec deux des officiers de l’Emeline pour sauver le navire ! ». On lui obéit enfin mais avec si peu de conviction qu’il était déjà 18h15 lorsque les hommes, dont le pilote français du patrouilleur américain, furent de retour sur le vapeur. Un temps précieux avait été perdu et malgré un reste de pression dans la machine, le pont avant était déjà en partie recouvert par la mer et l’hélice émergeait irrémédiablement de l’eau.

Les dés en étaient jetés, il n’y avait plus d’espoir, et à 19h25 le Saracen disparaissait sous les flots dans un énorme bouillonnement d’écume. Sans son abandon aussi rapide, ce navire aurait certainement pu être sauvé car il était tout à fait possible de l’échouer aux Blancs Sablons, tout proche, ou encore à Portzmoguer. Difficile pour le commandant John Ears Don Grant d’expliquer ce désastre. Il évoqua pour se dédouaner quatre hypothèses : une torpille lancée par un sous-marin allemand, une « machine infernale » placée dans son bateau à Bilbao, un choc avec une épave ou un haut fond débordant du plateau des Plâtresses. Lors de son procès, il fut même avancé la possibilité d’avoir heurté une mine mouillée par le sous-marin ennemi UC36… Problème, le UC36 avait disparu 7 mois plus tôt, le 16 mai, et s’il posait bien des mines, ce n’était pas en Bretagne mais en face de Zeebrugge en Belgique !

Hélas pour lui aucune de ces hypothèses ne fut retenue par la commission d’enquête qui nota dans son rapport ces mots : « Le capitaine est incontestablement coupable quelque que soit la cause de l’accident. Au lieu de prendre le thé, il aurait dû être sur la passerelle et, plus expérimenté que son officier de quart, il aurait sûrement, en se voyant si près de la bouée de Sud Est, redressé sa route et évité le désastre. »

L’épave se trouve à la latitude 48° 25, 365 N et la longitude 004° 52, 224 W, entre 40 et 50 mètres de profondeur selon la marée. Son exploration en plongée est possible mais réservée aux plongeurs confirmés, du fait de la position dans une zone peu abritée et la possibilité de forts courants. L’épave qui se présente en deux parties séparées par une grosse déchirure en forme de « V », est posée droit sur sa quille, énorme et impressionnante dans cette eau sombre dont la visibilité est de moins de 10 mètres par beau temps.

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