Chaque jour, une épave : 28 février 1917, le Cassini, coulé par une mine, torpillé par la propagande

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

Le Cassini était un aviso-torpilleur de la Marine nationale française. Construit en 1893 aux Forges et Chantiers de la Méditerranée, il a été en service à partir de 1895, avant d’être converti en mouilleur de mines en 1912. Il mesurait 81 mètres de long sur 8 mètres de large pour un tirant d’eau de 3,5 mètres. Il jaugeait 970 tonnes et était propulsé par deux machines à vapeur et huit chaudières Normand pour une puissance de 5 200 cv sur deux hélices, à une vitesse de 21 nœuds. Il était armé d’un canon de 100 mm, de 3 canons de 65 mm, de 4 canons de 47 mm et de trois tubes lance-torpilles.

Le Cassini à Dunkerque pour la visite du Tsar de Russie

De 1895 à 1900, le Cassini fut rattaché au port de Cherbourg, exécutant des missions avec l’Escadre du Nord. En 1901, il était présent à Dunkerque lors de la visite officielle du Tsar de Russie Nicolas II et de la Tsarine, à bord de leur yacht à vapeur Standart. Puis en 1902, il fut cantonné en réserve dans le port de Brest jusqu’en 1908, mis à part un bref passage en Norvège pour participer aux opérations de secours lors du gigantesque incendie de la ville de d’Alesund en février 1904. En 1908, il obtint une mission de patrouille au large du Maroc. Puis sa vie tranquille prit un tournant en 1912, année où il fut transformé en mouilleur de mines et c’est à ce titre qu’il aborda la Première Guerre mondiale, créant des champs de mines pour empêcher l’approche de navires ennemis près des côtes méditerranéennes où il était désormais affecté.

Fin novembre 1915, le Cassini fut abordé par le cargo ravitailleur la Henriette, comme le raconte ce rapport retrouvé en archives : « Le 27 novembre 1915, vers 4 heures après midi, le Cassini (contre-torpilleur mouilleur de mines de 950 tonnes) se présente, remorqué par la Henriette, gros cargo ravitailleur qui l’a abordé. L’arrière est enfoncé dans l’eau, tandis que l’éperon sort en entier… » Le rapport ne précise pas le lieu de l’abordage.

Le 28 février 1917 à 1h du matin, avec 141 hommes à bord, alors qu’il traversait le Détroit de Bonifacio, il sauta sur une mine déposée par le sous-marin allemand UC 35. Il sombra rapidement, entraînant avec lui son capitaine et 106 membres d’équipage.

Le naufrage du Cassini donna lieu à plusieurs interprétations, selon que l’on se réfère au Journal Officiel, aux témoignages des survivants ou bien aux coupures de journaux politiques de l’époque. La « Revue politique et parlementaire » relatait les événements comme suit : « Le contre-torpilleur Cassini, affecté au service des patrouilles de la Méditerranée, a été torpillé par un sous-marin ennemi le 28 février à une heure du matin. Une soute ayant fait explosion, le bâtiment a coulé en moins de deux minutes. Le commandant, 6 officiers et 100 sous-officiers et marins ont péri ; 2 officiers et 32 sous-officiers et marins ont été sauvés.

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Il résulte des témoignages formels des survivants que, pendant qu’ils essayaient dans la nuit de gagner à la nage les radeaux qui flottaient, ils ont entendu une voix crier : ” Approchez camarades ! ” Un instant après, ils ont aperçu la masse sombre du sous-marin ennemi qui a tiré sur eux plusieurs coups de fusil ou de mitrailleuse et un obus; celui-ci a touché un des radeaux. Je cite sans commentaires cet acte de sauvagerie.» (Revue politique et parlementaire 1917, Tome 91, p. 136).

Version officielle du naufrage du Cassini, conforme à la propagande politique du moment

A l’examen plus récent des différentes archives, notamment des journaux de bord des différents sous-marins croisant dans la région à ce moment-là, il s’est avéré que le Cassini n’a pas été torpillé, mais a été coulé par une mine mouillée le 23 février par l’U-boot UC 35. On en a pour preuve qu’à la date du naufrage, le 28 février, l’UC 35 se trouvait au sud de la Sicile, donc très loin de Bonifacio… En cherchant plus loin, toutes les patrouilles des U-bootes à la mer le 28 février ont été passées en revue. L’autre sous-marin qui soit passé dans le secteur est l’UC 38 qui durant sa patrouille du 13 février au 6 mars, a transité à l’est de Bonifacio mais le 28, il coulait 2 navires dans le NW de Palerme. Donc exit également. Enfin se pouvait-il que ce soit le fait d’un sous-marin austro-hongrois ? Il y avait bien l’U 29 KuK (Kaiserliche und Königliche marine) à la mer le 28 mais il n’opérait pas en mer Thyrrhénienne et qu’en plus son Commandant n’a revendiqué aucun coup au but ce jour là.

Sur les citations du Journal Officiel, nulle trace de mitraillage…

Il s’avère donc que la relation des faits déformée, telle que présentée dans les journaux, était en fait une grosse propagande anti-allemande visant à attiser la haine de l’ennemi et et renforcer l’esprit patriotique dans les heures sombres de cette Grande Guerre si meurtrière. D’ailleurs le Journal Officiel citant les marins à l’Ordre de l’Armée, reprend la version officielle du torpillage, mais occulte complètement les histoires de mitraillage. Aujourd’hui les faits sont bien établis grâce aux documents d’archives provenant des deux bords : l’U 35 était bien loin et le Cassini a bel et bien explosé au contact d’une mine déposée par l’U-boot quelques jours plus tôt. Ce qui n’enlève absolument rien à la bravoure dont ont fait preuve les membres de l’équipage dans cette catastrophe. Comme quoi, la propagande «officielle » par voie de presse a toujours existé et incite à la prudence, même encore aujourd’hui…

En 2005 un plongeur a déclaré avoir retrouvé le Cassini et avoir plongé sur l’épave, qui gît au sud-est des Lavezzi, à la latitude 41° 19′ 474 N et la longitude 9° 19′ 174 E. Elle se situe dans des fonds de 75m , brisée en deux parties.

Le groupe de plongeurs Corsica-Photosub a exploré l’épave en 2013 et en a rapporté une très belle vidéo, signée David Paoli (http://www.corsica-photosub.fr)

1 COMMENT

  1. Bonjour,

    Mon arrière grand père (Pierre Jussan) était sur ce Bateau. Il a survécu à l’explosion. Au moment du drame, il se trouvait en haut du mat pendant cette nuit la. Il est rentré sur une planche à Bonifacio en nageant. Les faits sont similaires à votre article. Mon arrière grand père a indiqué qu’il y avait 108 morts et 32 survivants.

    Je vous remercie de votre travail sur cet évènement et l’exactitude des informations.
    Nous avons des photos supplémentaires.

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