Prisca Marester Tamarelle ou le dernier voyage d’une exploratrice

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Certaines personnes traversent notre horizon comme des étoiles filantes. Trop vite. Mais en laissant derrière elles une traînée de lumière accompagnée d’un souvenir ému et impérissable. Il en fut ainsi de Prisca, une plongeuse hors du commun qui, après avoir vécu d’innombrables aventures à la recherche des épaves englouties, s’en est allée vers le paradis bleu des plongeurs…

Prisca Marester Tamarelle était une belle personne qui tout en restant discrète, faisait preuve d’une forte implication dans le monde subaquatique, tout particulièrement pour le développement de la plongée sur épaves dans la région de Dieppe et plus largement d’une bonne partie de la Manche, quand ce n’était pas lors d’expéditions plus lointaines.

Prisca a découvert la plongée sous-marine en 1997. Comme la plongée possède cette magie d’unir les cœurs autant que les passions, c’est René Tamarelle, qui allait par la suite devenir son compagnon, puis son mari et le père de leur petite Margot, qui se chargea de son initiation. Ces deux-là se sont bien trouvés ! « Jusqu’à ce que la mort vous sépare… » Le serment a été tenu jusqu’au bout puisque le couple est devenu inséparable, au-dessus de la surface comme en-dessous.

Prisca et René, le bonheur

La passion des épaves, Prisca l’a ressentie dès ses premières bulles au milieu des épaves antiques remplies d’amphores de Kas, en Turquie. Par la suite, les épaves ont été le fil rouge de toute sa vie de plongeuse. A peine deux ans après ses débuts, en 1999, déjà titulaire de son Niveau 2 depuis un an, elle découvrit avec son coéquipier Olivier Gentil, la cloche du destroyer britannique « HMS Berkeley », aujourd’hui exposée au musée du 19 août 1942 à Dieppe. Puis c’est à l’époque où elle a passé son Niveau 3 à Saint Raphaël, que Prisca fit une rencontre déterminante : les archéologues et grands spécialistes français de la chasse aux épaves, Anne et Jean-Pierre Joncheray, avec qui elle a toujours entretenu des relations privilégiées.

Prisca et René en compagnie d’Olivier Gentil, portant la cloche du HMS Berkeley

En septembre 2000, Prisca a participé à la prospection archéologique sur l’épave du quatre-mâts « Quevilly », en mer du Nord. C’est à cette occasion qu’elle a participé à la fondation, avec d’autres membres de l’expédition, du GRIEME (Groupe de Recherches et d’identification des épaves en Manche-Est). Vu l’immensité du secteur représenté et le nombre de naufrages qui s’y sont déroulés, la zone est découpée en différents secteurs. Prisca se chargea, avec René Tamarelle, du secteur de Dieppe.

La création du GRIEME

A ce jour, il n’y a pratiquement pas une seule épave connue sur la région de Dieppe qui n’ait été au préalable plongée, identifiée et répertoriée avec le concours de Prisca. Elles sont, pour les plus caractéristiques d’entre elles, présentées dans les 4 tomes de la série «Saga des épaves de la côte d’Albâtre», éditée par le GRIEME.

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Les 4 tomes de la série «Saga des épaves de la côte d’Albâtre», éditée par le GRIEME

Toujours poussée par une passion dévorante et par l’esprit de découverte, Prisca fut à l’initiative de la première formation de Normandie à la plongée au recycleur nitrox (Dolphin) qui s’est déroulée à Rouen en 2001, sous la houlette de l’instructeur Cédric Verdier. En 2002, ce fut l’expédition sur l’épave de « La Combattante », navire de guerre des FNFL (Forces Navales de la France Libre) coulé en 1945 au large de Grimsby. A cette occasion, elle fit la connaissance de l’Amiral Zang, survivant du naufrage, qui devint un ami.

En 2003, sur les indications de son ami Jean-Claude Ridel, pêcheur de Quiberville-sur-mer, Prisca identifia l’épave du « Saint-Simon ». Elle trouva la cloche du vieux Terre-Neuvier en compagnie de son équipier Gérard Bonin. La cloche est aujourd’hui exposée au musée des Terre-Neuvas de Fécamp.

Le Château-Margaux

2004 fut une année riche en découvertes, avec l’identification du magnifique transatlantique « Château-Margaux », construit à Bordeaux en 1884 et naufragé au large de Dieppe en 1889. Prisca a aussi plongé cette année-là pour la première fois sur le torpilleur de haute mer « Yatagan », découvert peu avant par ses amis Franck Richez et Michel Delacroix. Celui-ci lui offrira la cloche du navire qu’il venait de découvrir. Cette cloche est désormais exposée au Château-Musée de Dieppe. Toujours en 2004, en septembre, avec son compagnon René, Prisca organisa et finança dans leur intégralité les fouilles archéologiques sur le « Saint-Simon ». 

Les aventures continuèrent, avec en février 2005 la découverte et les premières plongées sur le « Gris Brumaire », chalutier américain qui a participé à la reconstruction de la flotte de pêche dieppoise après la Seconde Guerre Mondiale, puis en juillet de la même année la découverte et l’identification du cargo « Maine », torpillé en 1917 par le sous-marin allemand UB56.

En juin 2006, Prisca organisa avec son ami Stéphane Novick et le concours de la municipalité de Dieppe, l’expédition à la découverte du Quatre-Mâts « Ville-de-Dieppe » au large de l’île d’Oléron. A la suite de cette aventure, le temps était venu pour Prisca de quitter le GRIEME pour fonder avec quelques amis et bien sûr, René son compagnon, en juillet 2006, un nouveau groupe de recherches baptisé « Les Corsaires d’Ango ». Dès ses débuts, ce groupe sera très actif puisqu’en octobre de la même année, les archéologues Anne et Jean-Pierre Joncheray furent invités à aller découvrir les richesses du patrimoine subaquatique haut-normand, au milieu d’un groupe d’une quinzaine de personnes venues explorer des épaves très rarement plongées et alors inconnues des clubs de plongée locaux.

En 2007, Jean-Pierre Joncheray lui rendit la politesse en l’invitant à participer aux fouilles du vapeur « prophète » en Méditerranée. En novembre 2007, une plaque en bronze fut déposée sur l’épave du « Maine » par les Corsaires d’Ango, suite à l’organisation avec la mairie de Dieppe et la Région Haute-Normandie, de la commémoration des 90 ans du naufrage du cargo. Une stèle fut inaugurée à cette occasion quai Henri IV à Dieppe.

En 2008, une section Histoire Maritime fut céée au sein du club de plongée normand GCOB, aux fins de faire découvrir aux néophytes l’intérêt de la plongée sur épaves à travers diverses approches comme la recherche historique et iconographique, l’histoire de la construction navale, les disciplines comme la photo, la vidéo, la biologie. Des fiches-épaves vinrent compléter le matériel pédagogique et des visites furent organisées dans divers hauts-lieux de l’histoire maritime européenne. Mais parallèlement, les recherches sur le «terrain» continuaient, avec la découverte et l’identification du V1514 au large du Tréport en décembre 2008.

Les fiches épaves

En 2009, Prisca créa le site internet www.corsairedango.fr. Cette année-là vit les premières plongées sur les sous-marins allemands de la Seconde Guerre Mondiale U390 à Barfleur, puis U413, U471 et U984 au large de Fécamp. Sur cette belle lancée, Prisca organisa et finança avec René l’expédition « U-Boote, les derniers loups-gris » coulés au large de Fécamp, avec les spécialistes en la matière, « Expédition Scyllias ». Suivra une diffusion télévisée sur la Cinq.

A bord du voilier “La Pensée”

A partir de 2010, l’appel du large commença à se faire sentir chez le couple Tamarelle, avec l’acquisition du voilier « La Pensée », dériveur lesté en aluminium de 13 mètres, armé pour la navigation hauturière.

Prisca et sa fille Margot

Un autre événement allait intervenir en février 2011 : la naissance de Margot. L’adorable petite fille allait très vite connaître le frisson de l’aventure, puisqu’en mars 2012, âgée de tout juste 13 mois, elle allait participer à la première expédition de sa vie avec ses parents, et pas des moindres : l’expédition en Antarctique «Sur les trace du Commandant Charcot», avec les Corsaires d’Ango, encadrée par Paul Poivert. Au cours de cette expédition extraordinaire, les membres du groupe purent effectuer des plongées sous les icebergs, parmi les baleines et les phoques léopards. Restée au chaud dans le bateau spécialement équipé pendant les plongées, Margot a pu néanmoins participer aux incursions à terre, sur la banquise au milieu des manchots. Certainement la plus jeune exploratrice ayant posé les pieds sur le continent Antarctique !

Expédition Antarctique 2012

En 2013, le temps d’éditer un très beau livre « Corsaires d’Ango, l’Aventure sous-marine », Prisca organisa avec le groupe ainsi que Anne et Jean-Pierre Joncheray, l’expédition de prospection archéologique à la recherche du « Pourquoi-pas ? », célèbre bateau du Commandant Charcot disparu en Islande en 1936, au retour d’une exploration polaire.

Enfin, pour couronner cette vie d’aventure, vint le grand départ en 2014. Prisca et René, avec leur petite Margot alors âgée de 3 ans, décidèrent de rallier Rouen à Pointe-à-Pitre avec leur voilier « La Pensée ». Une occasion pour Prisca de retrouver la terre de ses ancêtres paternels. Plutôt que de choisir la classique route des Alizés, ils se dirigeront vers le cercle polaire arctique via le Groenland. 33000 kilomètres parcourus à la voile, plus de 18 pays visités et 84 escales effectuées. Une aventure inoubliable. Prisca doublait son rôle d’équipière par celui d’institutrice pour Margot, tout en restant une merveilleuse épouse et maman pour le plus grand bonheur de René et de Margot. Le bonheur, c’est justement le mot qui qualifiera le mieux ce grand voyage qui dura jusqu’en 2017.

Le trajet de la croisière de 2014 à 2017

De retour en France après 3 ans de navigation, la petite famille d’aventuriers dut se réadapter à la vie sédentaire, mais ce retour au quotidien allait tourner court : à peine un an plus tard, dans la nuit du 30 au 31 juillet 2018, Prisca s’en est allée plonger dans les étoiles, vers un horizon infini… La maladie aura eu raison de ce petit bout de femme, pourtant si énergique. Prisca était la joie de vivre incarnée, pétillante, toujours souriante, elle formait avec René et leur petite Margot une belle famille. Soyons sûrs que, d’où elle se trouve maintenant, Prisca continuera à veiller sur ses deux amours. Peut-être que cette nouvelle étoile apparue au firmament pourra guider les futurs chasseurs d’épaves et continuer à leur insuffler la passion des « belles englouties »…

Prisca, René et leur fille Margot

Cet hommage est dédié à Margot et René vers qui va toute la sympathie de la rédaction de plongée Infos.

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