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Par Patrick Louisy

Dans le foisonnement de vie du monde sous-marin, le plongeur voue une méfiance respectueuse à certains animaux qui restent le plus souvent inoffensifs, alors qu’il côtoie parfois sans précaution les êtres les plus redoutables ! Nous faisons le point sur les dangers, réels ou supposés, que peuvent constituer les animaux marins.

As-tu déjà vu des requins ? Et tu n’as pas eu peur ? Comment ça, tu as nagé au milieu d’un banc de barracudas ? Mais t’es fou ! Tu n’as jamais été attaqué par une murène ? Combien de fois avez-vous entendu ce genre de remarques, d’interrogations ? Pour la plupart des êtres humains, des terriens, mers et océans sont peuplés de monstres menaçants…

Il y a effectivement sous la mer des animaux dangereux, certains présentant même un risque mortel, mais ce ne sont pas forcément ceux auxquels on pense… Entre ceux qui mordent, piquent ou brûlent, lesquels doit-on craindre le plus ?

Dents de la mer : le risque est l’exception

Le requin-taureau (Carcharias taurus, Afrique de l’Ouest) a sans doute le sourire le mieux garni de tous les requins… Mais ces dents pointues ne sont bonnes qu’à saisir des poissons.

Murènes, congres, barracudas, requins… Aussi bien équipés qu’ils soient pour nous faire des choses désagréables, ces monstres inquiétants ne constituent pourtant que rarement un réel danger.

La murène (Gymnothorax favagineus, Mozambique

Ainsi, les murènes ou les congres ne mordent que lorsqu’ils se sentent agressés, dérangés dans leur repaire, poussés dans leurs retranchements. Rien à craindre, donc, si vous ne les embêtez pas. Mais mieux vaut tout de même ne pas laisser traîner vos mains sur le fond sans surveillance : comment être sûr, en effet, que dans une anfractuosité ne réside pas quelque murène ombrageuse ? De fait, ce n’est que lorsqu’on leur offre un excitant repas  que ces poissons serpentiformes, dans un débordement de frénésie, présentent un risque notable. Mais alors, à qui la faute ?

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Le grand barracuda (Sphyraena barracuda, Curaçao) est certes impressionnant, mais n’a guère de raisons de s’attaquer à un plongeur.

Les barracudas, quant à eux, doivent leur mauvaise réputation à un délit de sale gueule plutôt qu’à la réalité des faits. Il semble que quelques accidents aient pu avoir lieu en eau trouble, lorsque le poisson confond une partie claire du plongeur avec une proie, mais l’agresseur disparaît dès qu’il s’aperçoit de sa méprise.

Les requins enfin, dont certains sont des mangeurs d’homme patentés, ne sont pourtant guère dangereux dans les zones habituellement fréquentées par les plongeurs. Ils sont virtuellement absents de nos côtes, et même les espèces récifales n’imaginent pas, pour la plupart, qu’un plongeur puisse avoir le moindre intérêt alimentaire : discrétion, et même timidité, sont pour eux la règle. S’ils se montrent parfois agressifs, c’est qu’ils se sentent menacés dans leur domaine, leur territoire ; il suffit alors de se montrer raisonnable, de savoir se retirer calmement… Exception faite des accidents liés à la pêche sous-marine, les rares problèmes rencontrés avec des requins en plongée sont surtout dus au comportement inconscient ou « extrême » (ce qui revient au même) des plongeurs.

Dangers cachés : les poissons venimeux

Le poisson-scorpion ou rascasse tachetée des Caraïbes (Scorpaena plumieri, Guadeloupe) préfère passer inaperçu, et c’est bien là le danger pour un plongeur qui pose les mains n’importe où !

Rascasses de nos côtes ou poissons-scorpions des tropiques, les membres de la famille des Scorpaenidés sont des champions du camouflage, mais aussi des êtres hérissés d’aiguillons effroyablement venimeux. Un armement redoutable au rôle essentiellement pacifique, puisqu’il ne sert qu’à la défense : les rascasses chassent à l’affût en se faisant oublier de leurs proies, pierres parmi les pierres.

Coloration voyante et nage ostensible, la rascasse volante (Pterois miles, Mer Rouge) annonce fièrement la couleur : « attention à mes aiguillons venimeux ! »

Beaucoup plus visibles avec leur livrée zébrée qui attire dangereusement le néophyte, les rascasses volantes possèdent également des épines dorsales si venimeuses que l’intensité de la douleur peut parfois provoquer une syncope ! Leur stratégie de protection est cependant un peu différente : leur coloration voyante signifie « N’approche pas, j’ai des défenses dissuasives ». Elles annoncent la couleur !

Doté d’épines redoutables et d’un venin des plus virulents, le poisson-pierre (Synanceia verrucosa) est indubitablement le plus dangereux de tous les poissons. Il est pourtant fort peu agressif, et l’approcher n’est pas particulièrement périlleux, pourvu que vous l’ayez vu !

De la famille proche des Synancéidés, le plus dangereux de tous est sans conteste le poisson-pierre, à la fois parce qu’il est presque impossible de le détecter sur le fond et parce que son venin compte parmi les plus violents que l’on connaisse : c’est l’un des rares animaux marins potentiellement mortels pour l’homme.

Rencontrées sur fond sableux, les vives sont elles aussi dotées d’épines dorsales venimeuses, mais seulement sur la première nageoire dorsale. Cette petite nageoire se redresse lorsque le poisson est inquiété, comme pour avertir du danger qu’elle représente. La meilleure confirmation de cette hypothèse est que d’autres poissons, comme les inoffensifs dragonnets, exhibent eux aussi une petite nageoire dorsale noire en cas de danger plutôt que de s’enfuir ou se cacher.

C’est avec les épines de sa première nageoire dorsale, marquée de noir, que la vive vous pique (Trachinus draco, Cerbère).

Comme s’il était plus efficace de se faire prendre pour une vive afin de décourager les prédateurs. On observe le même comportement chez les soles, mais comme elles sont couchées sur le côté, c’est une nageoire pectorale qui est ainsi colorée de noir. Dans la pratique, les vives ne sont guère dangereuses en plongée, mais attention si vous marchez pieds nus sur le sable ! Car elles se rendent souvent invisibles en s’enfouissant dans le sédiment.

Les raies pastenagues (ici Pastinachus sephen en Mer Rouge) possèdent un ou plusieurs aiguillons venimeux sur la queue, dont elles ne se servent habituellement pas.

Sur le sable également vivent les raies pastenagues à la queue en fouet armée d’un fort aiguillon venimeux. Peu agressives et au demeurant plutôt sympathiques, ces élégantes à la peau douce s’approchent parfois avec curiosité du plongeur (même en l’absence de toute stimulation alimentaire), mais prenez garde de ne pas les brusquer ! Leur piqûre occasionne une douleur atroce, l’aiguillon barbelé déchire les chairs, et la blessure s’infecte facilement !

Urticants ou piquants invertébrés

Chacun des courts piquants de l’oursin-cuir venimeux (Asthenosoma sp., Mer Rouge) porte une vésicule emplie d’un redoutable venin.

Il y a ceux dont on se méfie naturellement, tels les oursins qui incitent logiquement à une prudence proportionnelle à la longueur de leurs piquants (à qui viendrait l’idée de caresser un oursin diadème ?). Il existe cependant quelques exceptions tropicales à cette règle, comme le superbe (mais redoutable) oursin Asthenosoma aux teintes flamboyantes, bardé de courtes pointe surmontées d’une ampoule de venin, qui heureusement a le bon goût de ne sortir que la nuit.

Les robustes piquants de l’étoile couronne d’épines (Acanthaster planci, Mer Rouge) occasionnent des piqûres extrêmement douloureuses et invalidantes.

Autre échinoderme peu fréquentable, l’étoile de mer Acanthaster connue comme dévoreuse de coraux, est aussi un tapis de dards atrocement venimeux qui lui valent son surnom de couronne d’épines. Pour imaginer la douleur, plantez-vous vigoureusement quelques piquants d’oursin diadème, et multipliez par dix !

Attention aux touffes de soies blanches du ver de feu (Hermodice carunculata, Îles Vierges) !

Il y a aussi les inattendus, comme le ver de feu, que l’on rencontre dans les mers tropicales, mais aussi dans le sud de la Méditerranée. C’est l’un des rares vers annelés à se montrer à découvert, car il se sait parfaitement protégé par les touffes de fines soies blanches, aiguës, barbelées et cassantes qu’il dresse autour de lui.

La piqûre du cône textile (Conus textile, Mer Rouge) peut être mortelle pour l’homme.

Autres sournois cachant bien leur jeu, les cônes, ces coquillages appréciés des collectionneurs, sont tous venimeux, y compris les rares espèces de Méditerranée. Ils chassent en effet à l’aide d’un dard empoisonné, qui leur sert aussi à se défendre, et peut être mortel pour l’homme chez certaines espèces tropicales.

L’élégante méduse pélagie (Pelagia noctiluca, Méditerranée) traîne derrière elle des filaments urticants (ici rétractés) qui atteignent plusieurs mètres et occasionnent de cuisantes brûlures.

Vous connaissez bien sûr les méduses, dont certaines sont armées de filaments pêcheurs extrêmement urticants pouvant atteindre plusieurs mètres. Mais méfiez-vous également de leurs cousines les anémones de mer : elles aussi utilisent le venin de leurs tentacules pour capturer leurs proies et, à l’occasion, se défendre. Il arrive souvent que le venin ne soit pas assez virulent pour traverser la peau humaine, du moins là où elle est épaisse, mais attention de ne pas vous frotter des zones sensibles telles que les lèvres ou les yeux après avoir touché une anémone !

Le corail de feu de l’Indo-Pacifique (Millepora dichotoma) n’est pas un madrépore. Bien qu’il fabrique un squelette calcaire, c’est un Hydrozoaire, cousin des hydraires. Et attention, qui s’y frotte s’y pique !

Toujours dans le vaste groupe des Cnidaires (du grec Cnidos = ortie), repérez bien les hydraires, ces minuscules et graciles arbustes neigeux dont les polypes sont à peine visibles à l’œil nu : ils n’ont l’air de rien, mais certains sont redoutablement urticants ! C’est d’ailleurs à ce groupe qu’appartient le fameux corail de feu, qui étend ses éventails calcaires brun doré dans les récifs tropicaux.

Règle d’or : regarder sans toucher

Que ce soit sur nos côtes ou dans les mers tropicales, il est bien rare qu’un animal se jette sauvagement sur vous pour vous agresser ! Si l’on y réfléchit bien, c’est en général l’inattention (ou la méconnaissance) du plongeur qui est à l’origine des incidents.

Bien maîtriser ses mouvements et sa flottabilité, rester à distance respectueuse du fond (et de ses dangers potentiels). Voilà les règles à suivre pour ne pas se faire mal, et ne pas abîmer les organismes fixés !

La plupart des organismes potentiellement dangereux vivant sur la roche, le sable ou le récif, la solution pour éviter tout risque de contact est évidente : il suffit de se stabiliser à 3 mètres du fond pour admirer le paysage, ce que font fort bien par exemple nombre de plongeurs américains. Pour les européens, au tempérament – dirons-nous – plus «curieux», voire inquisiteur, il reste cependant indispensable de contrôler parfaitement flottabilité et déplacements afin de limiter les contacts intempestifs avec le fond et les organismes qui y vivent : on risque moins de se faire mal, et surtout de massacrer la vie marine !

Que faire en cas d’incident ?

Vous l’avez compris, votre comportement de plongeur respectueux et attentif est la meilleure garantie contre les animaux marins dangereux. Voici cependant quelques conseils (dont on peut espérer qu’ils ne vous serviront pas) en cas d’incident.

Piqûre

Très souvent, les venins son thermolabiles : ils se dégradent à la chaleur. En trempant rapidement le membre atteint dans de l’eau très chaude (45 °C), en approchant une cigarette incandescente de la piqûre, ou en utilisant un sèche-cheveux à la limite du tolérable, vous avez une chance d’inactiver en partie le venin avant qu’il ne se répande.

Une autre solution est l’Aspivenin ® (en vente en pharmacie), une sorte de seringue à vide qui permet d’aspirer une partie du venin. Voilà un petit appareil que l’on devrait toujours avoir dans son sac de plage ou de plongée !

« Brûlure »

Lorsque vous êtes « brûlé » par une méduse ou une anémone, le venin peut entraîner une réaction directe (inflammation, effet toxique local), mais aussi une réaction allergique d’ampleur variable.

• La première chose à faire est de laver abondamment la peau pour enlever autant de venin que possible (ainsi que les filaments urticants qui pourraient rester collés), puis d’essayer d’inactiver le venin restant à l’aide d’un pansement imbibé d’alcool.

• Pour lutter contre la réaction allergique, une crème corticoïde peut être nécessaire pendant deux à trois jours.

• En cas de réaction générale (état de choc, urticaire généralisé…), il est impératif de consulter un médecin en urgence absolue.

Morsure

Dents acérées qui déchiquètent les chairs, salive plus ou moins venimeuse, la morsure d’une murène est rarement anodine. Il est nécessaire de la désinfecter très soigneusement (précisez au pharmacien que le produit doit être utilisé sur une plaie). N’attendez pas un risque d’infection pour consulter un médecin, qui décidera de la conduite antibiotique à tenir.

En cas de morsure entraînant un saignement important (requin ?), la priorité est bien entendu de contenir l’hémorragie (pansement compressif, point de compression). Inutile de préciser que des secours médicaux sont alors requis d’urgence…

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