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Par Paul Poivert

Cet article n’a pas pour but de donner un cours par correspondance sur l’assistance au moyen d’un gilet stabilisateur, mais de faire le point sur cette technique qui a de tout temps provoqué d’interminables débats et aussi d’apporter quelques petits trucs utilisés par les professionnels pour réussir parfaitement une remontée en toute sécurité, pour l’assistant comme pour l’assisté.

L’un des principaux devoirs d’un plongeur au sein de sa palanquée est d’être capable de porter assistance à un coéquipier en difficulté. Pour cela, il doit tout d’abord montrer suffisamment d’aisance pour être en mesure de gérer sa propre flottabilité et ensuite de pouvoir gérer la flottabilité de son compagnon en difficulté.

Gérer sa flottabilité, c’est non seulement savoir utiliser son gilet stabilisateur, mais aussi maîtriser parfaitement sa respiration et notamment le poumon-ballast.

C’est par la respiration que l’on peut réussir à la perfection une stabilisation dans le bleu, ou bien une remontée contrôlée : On gonfle le gilet seulement après avoir gonflé ses poumons, et l’on purge seulement après avoir vidé ses poumons.

Cela évite que les forces s’annulent. Il suffit ensuite de vider ou remplir plus ou moins ses poumons pour faire varier la vitesse de remontée. On ne fait varier le volume du gilet stabilisateur qu’en dernier lieu.

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La technique d’assistance au gilet part du même principe, mais à la gestion de sa propre remontée va s’ajouter une difficulté : gérer en plus la flottabilité et maîtriser la remontée d’un autre plongeur. Cela veut dire que l’on va être amené à manipuler deux équipements.

Assistance ou sauvetage ?

Beaucoup de plongeurs, lors de leur progression technique, ne font pas bien la différence entre une assistance et un sauvetage. L’assistance s’adresse à un plongeur conscient, en proie à un problème qui peut être physiologique (essoufflement, vertige…) ou matériel (perte d’une palme ou de son masque, incapacité à utiliser les commandes de son gilet…). L’assisté est conscient et respire, il est capable de tenir son embout (et en général, le stress aidant, il n’a aucune envie de le lâcher !). Il n’y a donc aucune utilité à venir plaquer une main sur l’embout de l’assisté, ce qui ne ferait qu’augmenter son stress. Le sauvetage quant à lui, est pratiqué sur un plongeur inconscient. Celui-ci risque alors de perdre son embout à tout moment et donc de se noyer. Dans ce cas, en plus de la gestion de la remontée, il faudra maintenir son embout jusqu’à l’arrivée en surface, de sorte que l’on devra exécuter toutes les autres manœuvres d’une seule main.

Une intervention immédiate

Il faut distinguer deux types de situations : le plongeur se trouve sur le fond, ou bien le plongeur est en pleine eau.

Le facteur aggravant d’une situation difficile pour un plongeur est le risque de perdre sa stabilisation et donc de descendre plus bas que sa situation de départ, ce qui ne fait que compliquer les choses. En cas de problème physiologique, les symptômes sont aggravés par l’augmentation de pression (ex : essoufflement). Le cas où le plongeur se trouve sur le fond est donc moins délicat car il ne peut pas descendre plus bas. L’intervention doit tout de même être rapide. En pleine eau, l’urgence s’impose. Le plongeur en difficulté va rapidement perdre quelques mètres et si l’intervention n’est pas immédiate, il risque de couler purement et simplement, ce qui, convenons-en, n’arrangerait pas ses affaires…

On a constaté que très souvent, les moniteurs de clubs enseignent la technique d’assistance de manière trop théorique, n’ayant eux-même pour la plupart, pratiquement jamais eu à intervenir dans une situation similaire réelle. Le moniteur se pose bien calmement pour exécuter le signe qui devra déclencher l’intervention, pendant que l’élève se place dans la meilleure position pour intervenir, les palmes dans les starting-blocs comme pour le départ d’un 100m. Le problème, c’est qu’en plongée réelle, les choses ne se passent pas du tout de cette façon. C’est toujours (loi de Murphy oblige) quand on s’y attend le moins que les problèmes arrivent. Surtout, il ne suffit pas d’un signe ; bien souvent, c’est l’absence de signe cohérent ou un comportement bizarre qui devra alerter le plongeur et l’inciter à intervenir.

On a vu souvent l’inconvénient de ce genre d’apprentissage lors de séances d’entraînement: le moniteur, à l’avant de sa palanquée, avançant comme s’il cherchait un endroit propice à la leçon, s’arrête brusquement de palmer sans prévenir et va se poser doucement au fond, comme s’il avait perdu conscience. Puis il reste un long, très long, très très long moment immobile, retenant sa respiration pour ne pas faire de bulles, simulant une détresse respiratoire majeure exigeant une intervention immédiate. Après une très longue attente dans cette position, sur le point de suffoquer, il finit par se relever, ne voyant personne intervenir. Il découvre alors avec horreur tous ses élèves agenouillés bien sagement en arc de cercle autour de lui, attendant la suite de la leçon ! Aucun d’eux n’a eu l’idée qu’il pouvait arriver réellement un problème au moniteur, donc personne n’a pensé qu’une intervention devait peut-être être envisagée… Ce cas tiré d’une expérience vécue montre que les élèves en question, même s’ils ont appris les gestes permettant d’effectuer une assistance, n’ont jamais été préparés aux conditions dans lesquelles une intervention doit être faite, et surtout les signes ou symptômes qui doivent obligatoirement déclencher cette intervention, ce qui est tout de même l’élément majeur de la technique. Dans le cas cité ci-dessus, si la situation avait été réelle, le moniteur aurait pu mourir sous les yeux de ses élèves pendant que ceux-ci attendaient sagement la suite de la leçon. Au débriefing, les élèves en question ont tous répondu qu’ils n’ont pas pensé que… Dans un cas réel, il ne faut pas trop réfléchir, il faut agir, sans précipitation, mais surtout sans attendre. Cela ne coûte rien d’aller saisir un compagnon et lui demander si tout va bien. Au mieux, il répondra que ça va et que vous seriez gentil de lui ficher la paix ; au pire, vous saurez ce qu’il vous reste à faire…

Le secret des pros

La principale difficulté dans l’intervention sur un plongeur en difficulté est le risque de descendre. Les plongeurs professionnels travaillant dans les unités de secours ont un truc pour éviter la perte de stabilisation au moment de l’intervention. Tout plongeur normalement équilibré au fond a dû injecter de l’air dans son gilet. En l’incitant à remonter immédiatement d’un ou deux mètres, le volume d’air va augmenter, légèrement, mais suffisamment pour empêcher le plongeur de descendre et amorcer un début de remontée. Il ne sert à rien de rester en profondeur pendant que l’on saisit le coéquipier, qu’on lui fait signe pour lui demander si ça va et que l’on va remonter, que l’on cherche l’inflateur de son gilet, qu’on appuie sur le bouton en attendant le début de la remontée… Si l’on se trouve sur le fond, on a seulement perdu quelques précieuses minutes ; en pleine eau, on se retrouve quelques mètres plus bas, avec tous les risques que cela comprend. En cas d’essoufflement par exemple, seule la remontée immédiate va permettre de résorber le problème.

Comment donner l’impulsion qui permettra d’amorcer immédiatement la remontée ? Sur le fond, l’assistant vient se placer face au plongeur en difficulté. Il le saisit fermement à deux mains par le gilet ou le harnais, tout en posant ses deux pieds sur le sol. Il donne alors une poussée à l’assisté vers le haut, comme s’il voulait le lancer vers la surface, mais sans le lâcher. Au même moment, il prend une inspiration et se hisse à la hauteur de l’assisté, toujours sans le lâcher. Cette manœuvre permet de gagner facilement deux mètres. Il suffit ensuite de continuer à tenir fermement l’assisté d’une main, pendant que la deuxième, relâchant sa prise initiale, va saisir l’inflateur. Avec cette technique, si les plongeurs sont correctement équilibrés au départ, le gain de deux mètres permet de passer en flottabilité positive. Il n’est donc pratiquement pas nécessaire d’injecter un supplément d’air. Si le plongeur est trop lourd, l’impulsion devra être complétée par une injection d’air pour éviter de perdre le bénéfice de l’élan.

En pleine eau, l’impulsion est moins facile à donner puisqu’on ne peut pas prendre d’appui fixe. Il est alors très important d’être bien équilibré. Quand on saisit l’assisté (toujours à deux mains), on prend simultanément une grande inspiration pour se mettre en flottabilité positive. La poussée va être donnée en profitant de l’appui provoqué par l’augmentation de flottabilité, accompagnée le cas échéant d’un coup de palme. L’effet est garanti : l’impulsion donnée à l’assisté va lui permettre de gagner un ou deux mètres, ou tout au moins de stopper sa descente. Une rapide injection d’air dans le gilet permet alors de conforter la position et d’entamer la remontée, sans risquer de redescendre, ce qui, en examen comme dans la réalité, est primordial. En examen, on gagne des points ; dans la réalité, on sauve une vie…

Quel gilet purger ?

Une fois l’impulsion donnée, que ce soit sur le fond ou en pleine eau, la suite de la remontée sera identique. Les deux plongeurs étant repassés en flottabilité positive, la remontée s’amorce doucement. Quand on gonfle ou dégonfle un gilet, il faut toujours tenir compte de l’inertie de la réaction dans l’eau. Il ne s’agit pas, si l’on veut diminuer la vitesse de remontée, de purger jusqu’à ce que l’on soit réellement à la vitesse désirée. Cela veut dire qu’en tenant compte de l’inertie, on a trop purgé et que l’on risque de redescendre. Il vaut mieux purger par petites doses successives et attendre à chaque fois que l’effet se fasse bien sentir, évitant ainsi les remontées en dent de scie.

On peut en partie compenser les variations de vitesse par le poumon ballast. C’est le poumon-ballast qui va réguler au plus juste la remontée. Quand on sent que l’on prend de la vitesse, on commence d’abord par souffler. On diminue ainsi sa flottabilité et par conséquent, la vitesse de remontée. Si une fois que les poumons sont vidés, la vitesse ne se réduit pas suffisamment, alors seulement on purgera. Ensuite, il suffit de reprendre une inspiration pour reprendre la remontée. L’erreur souvent commise est de procéder sans se soucier de sa respiration : Si on purge alors qu’on a les poumons pleins, on va devoir purger plus que nécessaire pour neutraliser la flottabilité des poumons. Ensuite, quand on souffle, on se retrouve forcément en flottabilité négative et l’on redescend. On est alors obligé d’injecter de l’air dans le gilet pour reprendre la remontée.

Peu de plongeurs pensent aux avantages de l’utilisation du poumon-ballast lors d’une remontée, et plus particulièrement en assistance, alors que c’est ce petit détail qui fait toute la différence entre une bonne et une mauvaise technique.

Une polémique agite depuis de nombreuses années le milieu de la formation plongée : doit-on purger en priorité le gilet de l’assisté, puis finir par celui de l’assistant, ou vice-versa ? Certains préconisent même de purger complètement l’un des gilets avant le départ et de ne gérer la remontée que sur un seul. Cette technique ajoute des difficultés non négligeables, principalement le fait que l’on ne peut pas procéder à l’impulsion de départ décrite plus haut et que le démarrage sera plus long et plus pénible, sans oublier le risque de descente si l’on se trouve en pleine eau au moment où l’on purge l’un des gilets. De plus, le déséquilibre des flottabilités des deux plongeurs risque de les faire basculer dans une position peu confortable.

On peut effectivement, après l’impulsion de départ, commencer par gérer un gilet, puis l’autre. Peu importe dans quel ordre, cela n’a aucune importance et les deux techniques comptent autant d’avantages que d’inconvénients. Il s’agit simplement du confort dans lequel va agir l’assistant. S’il préfère commencer par le sien, aucun problème. S’il préfère finir par le sien car, près de la surface, il saura le gérer plus finement qu’un matériel qu’il ne connaît pas, libre à lui.

En fait, la polémique n’a pas de raison d’être. Elle est le plus souvent motivée par la fausse idée que l’on n’a pas le temps de gérer deux gilets en même temps et qu’il vaut mieux ne s’occuper que d’un seul, pour éviter les erreurs. Partant du principe que les plongeurs ne sont pas des demeurés (du moins pas tous…), on peut très bien envisager une remontée en gérant les deux gilets. A une vitesse de 10 mètres par minutes, qui est la meilleure vitesse de remontée reconnue par la plupart des écoles de plongée, on a largement le temps d’exécuter toutes les manœuvres nécessaires, et même de communiquer avec le coéquipier et de regarder ce qui se passe autour. Il suffit juste de se placer légèrement en décalé, face à l’autre plongeur, de telle manière que les deux inflateurs soient proches et bien visibles de l’utilisateur. Le fait de les voir est très important, car cela évite de perdre du temps à tâtonner pour les trouver. Le reste ne change absolument rien : on souffle, on purge un gilet ; on saisit l’autre en reprenant sa respiration, puis quand la vitesse augmente, on souffle, puis on purge l’autre ; et ainsi de suite.

Insistons bien sur ce point : si on suit une vitesse de remontée proche de la normale, on a largement le temps de procéder de cette manière ; sinon, c’est que l’on remonte trop vite.

Une autre polémique existe à propos de la saisie de l’assisté. Tout le monde est d’accord sur le fait que l’on saisit l’assisté dès la réaction à une situation délicate et que l’on ne le lâche sous aucun prétexte, jusqu’à la fin de l’assistance. Mais doit-on le saisir de la main droite ou de la main gauche ?… Là aussi, aucune importance. Certains vous diront qu’il faut le tenir de façon à pouvoir continuer à lire ses instruments. C’est indéniable. Mais rien n’empêche de changer de main au cours de la remontée, à condition bien sûr, que l’on ne lâche la première main que quand la seconde a bien assuré sa nouvelle prise. On peut ainsi changer de position pour atteindre une commande ou une purge, lire son ordinateur qui a malencontreusement tourné autour du poignet, ou bien communiquer avec l’assisté.

Le dernier point important pour réussir une bonne assistance est justement la communication. N’oublions pas que le plongeur que l’on assiste se trouve en difficulté, donc en situation de stress intense. On doit, pour le rassurer, lui montrer que l’on a la situation bien en main et qu’elle ne nous cause aucun problème ; bref, qu’il peut compter sur nous et se détendre et qu’on va le ramener à la maison. Le meilleur réconfort psychologique reste le regard. Il faut se tenir très proche de l’assisté et le regarder droit dans les yeux, le plus souvent possible. Il va s’accrocher à ce regard (qui doit se montrer sûr et rassurant) comme à une bouée de secours. Cela n’empêche pas de jeter un coup d’œil de temps en temps aux instruments et à l’environnement, afin de juger de l’efficacité de la remontée. Quelques signes pour lui demander s’il va bien et pour lui montrer que tout est sous contrôle sont aussi importants pour son moral. Ainsi, on désamorce tout début de panique.

Seule nécessité pour arriver à rassurer l’assisté et lui montrer que l’on contrôle la situation est… de contrôler effectivement la situation ! Pour cela, un seul moyen : la pratique et l’entraînement !

5 COMMENTS

  1. Très intéressent, mais j’aimerais savoir comment faire lorsqu’on fait une plongée avec paliers, doit-on faire les paliers? Le palier de sécu est obligatoire? Doit-on sortir le parachute? Parce que l’organisation et la gestion de la remontée est beaucoup plus dur si on doit utiliser un parachute.

    • Il n’y a pas de règle “mécanique” qui suivrait une sorte de schéma-type. Les situations complexes rencontrées en plongée ne rentrent pas dans des cases. Le meilleur instrument du plongeur est… sa tête ! Il faut être à même de juger de l’urgence de la situation. Pour cela, il est indispensable de garder son calme. Lors d’une simple assistance, le plongeur en difficulté est censé respirer normalement, puisque c’est juste une difficulté passagère. Le fait de l’assister dans sa remontée ne change rien à la procédure de remontée ; on respecte donc la vitesse de remontée et les paliers. Dans le cas d’un sauvetage, le comportement à adopter sera en fonction de l’urgence de la situation : Si le plongeur en difficulté respire normalement, même s’il est inconscient, il vaut mieux respecter la vitesse de remontée et autant que faire se peut, les paliers. Dans le cas d’une détresse respiratoire et/ou cardiaque, il est évident que ce qui prime, c’est de le ranimer et donc de le remonter le plus vite possible afin qu’il soit médicalisé. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut lui causer un “sur-accident” ! Par exemple, dans le cas d’une crise hyperoxique aigüe, il faut attendre la fin de la phase convulsive (en lui maintenant son embout) avant de le remonter, au risque de lui causer une surpression pulmonaire… Chaque cas doit être analysé en situation, d’où la difficulté de mise en œuvre de ces techniques en situation réelle. Pour cela, rien ne remplace l’entraînement, et la bonne assimilation de la formation sur les accidents de plongée. Une formation en secourisme subaquatique est aussi fortement recommandée.

  2. J’ai adore cet article et souhaiterai pouvoir m’en Servir auprès des plongeurs que nous formons à l´autonomie.
    Est-il possible d’en avoir une copie en format pdf ?
    Encore bravo pour cet article..
    Amitiés
    Franck

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