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Par Pascal Bernabé 

L’un des meilleurs moyens d’améliorer la sécurité dans les activités à risques, est malheureusement d’étudier les accidents survenus, en faire une statistique et une analyse la plus rigoureuse possible, et d’en tirer les leçons. Cela s’applique bien sûr à la plongée et plus particulièrement à la plongée tek. 

En cherchant de la documentation, on s’aperçoit assez vite que les études statistiques d’accidents se limitent à la plongée loisir, spéléo et recycleur. Sur une étude de la FFESSM (qui date de cinq ans mais qui n’a pas tellement varié et qui donne un aperçu assez complet du sujet), on note quelques points intéressants pour ce qui nous concerne :

  • Age : l’âge moyen des accidentés est 45 ans
  • Niveau : sur 59 accidents, 27 (45,8%) concernent des niveaux 3,4 et 5 et 8 (13,6%) concernent des moniteurs. Ce qui signifie que 59,4% de ces accidents sont le fait de plongeurs confirmés, voir plus. Et cette tendance dure depuis plusieurs années.
  • Profondeur : 47,5% des accidents ont lieu entre 25 et 40m, 17% entre 40 et 60m, donc 64,5% entre 25 et 60m+ un accident à 96m.

Les causes de ces accidents sont : 

  • Vitesse de remontée rapide, 
  • Yoyo (y compris plus de 2 dans la zone des -30m !)
  • Paliers non respectés
  • Passage en altitude 
  • Panne d’air 
  • Panique
  • Problème de matériel 
  • Essoufflement

Dans les facteurs favorisants ont a : 

  • Fatigue ou manque de condition physique (43%)
  • Effort pendant ou après la plongée (41%) 
  • Froid pendant la plongée
  • Manque d’hydratation 
  • Multi niveaux type yoyo

On peut déjà retenir de cette étude ce qui peut nous intéresser pour la plongée Tek :

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  • la moyenne d’âge de 45 ans assez similaire à celle de la plongée tek
  • le niveau des plongeurs très majoritairement confirmés donc à méditer sur la qualité nécessaire de la formation de base et la nécessité absolument de garder par la suite l’esprit du débutant : 
  • rester humble et réaliste sur son niveau
  • continuer à se former ou au moins entretenir son niveau si modeste soit-il
  • entretenir une bonne condition physique adaptée à son niveau de pratique
  • les autres causes d’accident sont classiques mais à connaître et maîtriser car en plongée tek les conséquences peuvent être pires

Une analyse d’accident du Bureau de Prévention des accidents de plongée en Suisse de 2011 donne des résultats sensiblement identiques à l’étude précédente de la Ffessm comme l’âge moyen 45 ans ou le type d’accident en général.

En revanche on y trouve un cas très intéressant de plongée tek :  

« Lors d’une plongée à 55m en lac, un plongeur accompagné de son binôme, a perdu connaissance à la remontée lors d’un palier de décompression fait à -21m. Celui-ci a confondu ses détendeurs et au lieu de respirer le mélange nitrox composé de 50% d’oxygène, il a respiré de l’oxygène pur pendant 7 minutes sans s’en rendre compte. Une erreur qui se termine dans bien des cas de manière fatale. Arrivé à une profondeur de 12 mètres, selon son témoignage, il a vu quelque chose ressemblant à un éclair, ressenti l’équivalent d’un choc électrique puis a perdu connaissance.

Alors qu’il leur restait 22 minutes de palier à effectuer, son binôme a effectué un sauvetage, maintenant la tête de la victime en position arrière pour permettre à l’air contenu dans ses poumons de s’échapper et l’a ramené à la surface puis a alerté les secours. A l’arrivée des secours, la victime pouvait parler mais avec difficulté. Un médecin lui a administré un premier traitement sur place, avant que les deux plongeurs ne soient acheminés par un hélicoptère vers une chambre de décompression. Leur traitement qui a duré 5h a consisté en une recompression à une pression de 2,8 bars à l’oxygène pur, ce qui correspond à une profondeur de 18 mètres. Après les derniers contrôles médicaux, les deux plongeurs ont pu quitter l’hôpital sans aucune séquelle. 

Recommandations :

Lors de plongées avec des mélanges de gaz différents (plongée aux mélanges) il est vital :

  • de mesurer et de contrôler ses mélanges gazeux avant la plonger
  • de marquer ses bouteilles en fonction de leur profondeur d’utilisation maximale
  • de marquer ses différents détendeurs (couleur, numéro, bride)
  • lors de sa procédure de changement de gaz, d’impliquer son binôme pour un dernier contrôle, pour être sûr qu’on va respirer le bon gaz à la bonne profondeur ! »

Intéressante transition des accidents de plongée loisir vers les accidents de plongée tek, puisque l’erreur de mélange et les risques biochimiques (généralement hyperoxie, beaucoup plus rarement hypoxie) qui s’en suivent sont les plus répandus en plongée aux mélanges. 

Je conseille généralement de marquer très distinctement, en gros avec la MOD (maximum operating depht) ou PMU (Profondeur maximale d’utilisation) du mélange, la partie visible du haut de la bouteille et la gamelle du deuxième étage pour le plongeur, le côté de la bouteille pour le coéquipier.

3 étiquettes me semblent être un nombre correct, surtout si elles se détachent ou s’effacent. Et la plus importante avec l’expérience me semble être celle placée sur le deuxième étage qu’on regardera forcément avant de respirer le mélange, et qu’il est facile de montrer à son coéquipier avant de le mettre en bouche. Ce qui n’affranchit pas d’une revérification systématique du haut de la bouteille et sur le côté par son coéquipier, ainsi que la revérification de sa profondeur.

Il y a quelques années, avant une plongée profonde à Dahab, j’étais devant un plongeur profond que j’encadrais, afin de réceptionner ses quatre bouteilles relais, les vérifier et l’aider à se les accrocher dans le bon ordre et sans erreur. Lui assis sur le bord, moi en face calé sur les rochers. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque la première bouteille arriva dans l’eau et que tous les marquages d’identification des mélanges, % d’oxygène et profondeur maximale d’utilisation disparurent comme par magie ! Les marquages avaient été écris avec des feutres pour le tableau. Avant de se retrouver dans la situation dramatique de plusieurs bouteilles non marquées et non identifiés, tous les scotch et surtout les marquages d’identification furent changés et réécris au feutre… permanent cette fois-ci!

C’est une anecdote amusante mais qui aurait pu mal se terminer sans vigilance et qui illustre bien la nécessité de vérifier et revérifier encore ses mélanges et ses marquages, voir réanalyser les mélanges en cas de doute (ce que nous fîmes dans le cas de cette plongée profonde). L’erreur dans  les  choix des gaz est l’un des plus grand risque probablement en plongée tek. Un autre concerne les largages corrects de parachutes et la flottabilité parfaite pour tenir les longs paliers de décompression. D’une manière générale ce qui est important, c’est la capacité à anticiper les problèmes pouvant survenir et savoir les résoudre, soit par réflexion, soit par automatismes acquis à l’entrainement.

Il très difficile de trouver des études systématiques sur les accidents ou incidents en plongée tek. On retombe le plus souvent sur des études traitant uniquement les accidents en recycleur et surtout en plongée spéléo.

Les statistiques d’accidents en plongée loisir sont nombreuses et relativement exactes quand elles sont nationales. Les statistiques d’accidents en plongée souterraine sont une tradition qui remonte aux années 1970 où CHAQUE accident est « disséqué » et analysé.  Elles sont donc très sérieuses et instructives et ont déjà fait l’objet d’articles dans la presse spécialisée. Les statistiques d’accidents en Recycleur sont plus récentes. 

On peut noter que par rapport à la plongée souterraine où les analyses de statistiques d’accident aboutissent généralement aux même résultats et recommandations à suivre (1.manque d’entrainement, 2. fil d’Ariane, 3.manque de gaz, 4.profondeur 5.équipement) quelles que soient les agences, les sources, les pays, en plongée recycleur, les recommandations sont souvent classées dans un ordre différent selon les sources :

Différents classements :

1ersource :

  • Négligence de la liste de vérification avant la plongée
  • Pousser les équipements à leur limite
  • Plonger trop profond trop vite
  • Plonger seul
  • Ne pas maintenir un niveau suffisant d’entrainement
  • Modification de l’équipement
  • Plan inadapté
  • Trop de CO2, provenant souvent d’une mauvaise préparation et liste de vérification
  • Formation de base insuffisante
  • Plongée avec un équipement inadapté
  • Négligence en général

2èmesource :

  • Entrainement
  • Mauvaise motivation
  • Négligence
  • Distraction
  • Mauvaise gestion du gaz
  • Dépasser ses limites physiologiques
  • Aller au delà de ses limites 

Quelques points intéressant extraits d’autres études :

  • Toujours être attentif au CO2. Rythme de respiration plus rapide, angoisse ou inconfort
  • Quand un plongeur interrompt une plongée, pour n’importe quelle raison, le coéquipier doit rester avec lui. C’est le moment où le plongeur aura le plus besoin d’un coéquipier. Abandonner un plongeur ayant interrompu une plongée peut être considéré comme un homicide involontaire.
  • Limiter la ppo2 sur des plongées longues, particulièrement avec un effort soutenu et prolongé pour éviter l’hyperoxie favorisée par les efforts et l’hypercapnie (vasodilatation cérébrale) 
  • Limiter les efforts particulièrement sur des plongées prolongées pour éviter l’hypercapnie qui favorise hyperoxie et l’accident de désaturation, avec majoration de la quantité de bulles par incorporation du CO2 dans les bulles produite par la désaturation. – Avoir une excellente formation de base et continuer à s’entrainer régulièrement pour acquérir de l’expérience, entretenir les procédures d’urgence et les procédures pour assister un coéquipier en difficulté.
  • Planifier soigneusement ses plongées dans tous ses aspects y compris envisager une évacuation possible dans les plus brefs délais avec des moyens de recompression et dans tous les cas une oxygénothérapie normobare. 
  • les plongeurs ne se quittent jamais et sont entrainés à réagir correctement avec un plongeur tek en difficulté.

Hormis les cas spécifiques « recycleur », les autres conseils concernent aussi la plongée tek en général. Une autre étude Tek réutilise une fois de plus les statistiques Loisirs/spéléo/Recycleur et arrive à ce résultat :

  • Gaz insuffisant
  • Remontée d’urgence
  • Erreur de gaz (cas déjà évoqué plus haut)
  • Problème d’équipement

Enfin pour conclure, citons une dernière étude dont un article s’intitule : «trop loin, trop tôt» : encore cette idée que les plongeurs qui veulent se lancer dans le tek doivent comprendre qu’ils n’ont pas encore une vue d’ensemble de tous les risques, et qu’ils doivent débuter par une formation de base solide, point sur lequel de nombreuses agences travaillent avec succès, car les accidents ont déjà commencé à diminuer. Ensuite ils devront évoluer lentement, pour devenir, au grès des formations et de l’expérience acquise, des plongeurs plus solides, plus compétents et sûrs…et toujours humbles…

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