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Par Paul Poivert

La Dame Blanche porte bien son nom, ou plutôt son surnom puisque cette épave n’est pas encore identifiée. Couverte d’une épaisse futée de gorgones blanches, on la croirait noyée dans une forêt enneigée. Cette impression est saisissante et très inhabituelle sur les épaves. Cette belle dame drapée dans son beau manteau blanc garde encore tout son mystère, puisque jusqu’à présent, aucune expédition n’a pas réussi à lui donner un nom.

La Dame Blanche, c’est un cargo d’environ 130 mètres de long, posé sur le flanc par 30 mètres de fond, au beau milieu de nulle part. Sa position, au nord-est du Ras Siyan, la presqu’île située dans la continuité de l’archipel des Sept Frères (en fait, Ras Siyan constitue le septième Frère, bien qu’il ne soit qu’une presqu’île… un faux-frère, en quelque sorte !), ne bénéficie d’aucun abri. La plongée y est donc assez sportive dans une mer soumise à une forte houle du large, un clapot quai-constant, un fort courant traversant le détroit au gré des marées…

Seul un bateau de croisière bénéficiant de tout l’équipement nécessaire et d’un équipage connaissant parfaitement la manoeuvre peut envisager une expédition vers la Dame Blanche. Les plongées doivent se faire dans des conditions de sécurité optimales, mais l’état de la mer dans cette zone nécessite tout de même un niveau de plongeur confirmé. La descente se fait le long d’une amarre, ainsi que la remontée, dans un courant qui peut être fort à très fort. Sur l’épave, il vaut mieux trouver un itinéraire abrité pour bien profiter de la visite. En cas de remontée en pleine eau, l’usage d’un parachute est impératif afin d’être repéré par les embarcations de sécurité.

La belle inconnue

Un spécialiste de l’histoire et de l’identification des épaves a planché pendant plusieurs semaines sur la Dame Blanche. D’après les indications recueillies, il aurait pu s’agir d’un «Liberty Ship» coulé pendant la seconde guerre mondiale, le Sambo. Armé d’une solide documentation, le chercheur a participé à des expéditions de reconnaissance afin de confronter ses renseignements à l’épave et d’en tirer une certitude. Mais il avait un doute : la position du naufrage dans les archives, ne correspondait pas exactement à celle de l’épave…

Dès les premières plongées, le doute ne fit que s’amplifier au vu de détails qui ne correspondaient pas au type de bateau envisagé. Ainsi, on pouvait nettement remarquer que la coque était soudée et non pas rivetée, ce qui laissait plutôt envisager un bateau d’après-guerre. En outre, la présence de bastingages et de hublots (toujours en place, ce qui montre que l’épave n’a pas été pillée) ne correspondait pas au profil d’un liberty Ship…

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En confrontant et analysant les nombreuses photos et les films tournés pendant cette expédition, l’historien finit par annoncer sa quasi-conviction que la belle Dame Blanche n’a rien à voir avec le Sambo. Le mystère plane donc toujours sur cette épave qui n’est à ce jour, répertoriée par aucune archive connue… Le travail de documentation en archive n’est  pas terminé et nécessite des investigations encore plus poussées afin de pouvoir donner un nom à la Dame Blanche.

Il est difficile de trouver un élément caractéristique permettant l’identification à cause de la présence de cette forêt de gorgones blanches qui recouvre la quasi-totalité de la coque.

Aucun nom n’est visible sous les concrétions de la poupe et aucun élément caractéristique n’a pu être mis à jour à l’intérieur de la coque, les cales étant vides et la partie habitée du château étant partiellement ensablée. Seule une brique provenant vraisemblablement d’un four a été remarquée, gravée d’un nombre représentant certainement une année, ainsi qu’une étoile de David.

La taille imposante de l’épave nécessite plusieurs plongées pour pouvoir en faire le tour. A l’avant, on peut voir une énorme ancre encore en place dans son écubier. Le pont s’est partiellement effondré par endroits, créant de larges fissures dans la coque inclinée qui donnent accès à l’intérieur.

Vers l’arrière, des poutres métalliques laissent deviner la présence ancienne de superstructures. Certainement le château. Au milieu du pont, tout près de la poupe, la présence d’une double barre à roue a suscité bien des interrogations. Il s’agit vraisemblablement d’une barre de secours, située à l’aplomb du safran, qui pouvait être utilisée en cas de panne de la barre hydraulique. L’hélice, partiellement ensablée, est encore visible.

Et partout, cette forêt blanche qui danse au gré du courant contribue à donner une atmosphère fantômatique, presque irréelle, comme pour dissimuler cette belle engloutie afin de préserver son mystère…

D’autres épaves à découvrir

La Dame Blanche n’est donc pas le Sambo. Il en résulte que ce Liberty Ship, coulé dans les parages, reste lui aussi à découvrir. Mais il n’est pas seul : à quelques distances de la position de la Dame Blanche, un vieux plongeur local a rapporté avoir plongé naguère sur l’épave d’un grand sous-marin, posé sur un fond incliné allant de 40 à 80 mètres… Si la profondeur n’est pas certaine (le plongeur en question ne disposait alors d’aucun profondimètre), on trouve en effet en archives l’histoire du sous-marin italien Torricelli, coulé dans les environs lors de la seconde guerre mondiale après avoir coulé un navire anglais…

L’aventure continue donc, les recherches restent ouvertes et nul doute que nous allons encore parler du détroit de Bab El Mandeb à l’avenir…

 

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