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Philippe Cazenave avait 54 ans. Il a traversé le ciel des plongeurs comme un météore, en provoquant sur son passage des événements dont nous pouvons aujourd’hui observer les résultats, avant de s’éteindre brusquement, sans un bruit. Il a été l’artisan de très grandes transformations dans le paysage de la plongée française. Philippe est décédé d’un arrêt du cœur samedi 20 janvier 2018 à La Ciotat (13).

Pour ceux qui ne le connaissent pas, on peut présenter Philippe Cazenave en une phrase : c’est l’homme qui a réussi à faire implanter l’école de plongée américaine PADI en France, malgré toutes les réticences qu’il a pu rencontrer et les bâtons dans les roues qu’on a voulu lui mettre…

Philippe a consacré sa vie à la plongée sous-marine. Après des études de droit, suivies de quatre années chez les plongeurs SAF (scaphandriers d’aide au franchissement de l’armée de terre), il devient en 1988 instructeur PADI lors de la toute première session organisée pour des moniteurs français. Il pousse plus loin dans cette voie et devient Master Scuba Diver Trainer, avec différentes spécialités. Puis il suit le circuit classique de tout professionnel de la plongée : moniteur, puis chef de centre aux Maldives, puis propriétaire d’un centre nautique et de plongée à Saint Martin (Antilles), d’où il partira à la suite de la destruction de son établissement par le cyclone Luis en septembre 1995. Rentré en métropole, il ouvre un centre de plongée dans sa région natale, à Biarritz.

En 1997, Philippe se voit proposer par PADI une mission « stratégique » de la plus haute importance : depuis quelques années et devant son essor mondial, l’école de plongée américaine butte sur un seul pays, réfractaire à ses méthodes commerciales, la France. Les Yankees ont beau tout essayer, rien n’y fait, c’est le blocage total de la part des instances françaises, appuyées par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Philippe propose alors à PADI d’utiliser ses liens dans les deux camps et de servir de médiateur. C’est ainsi qu’en 1997, il devient officiellement représentant de PADI Europe en France, avec pour mission de créer la représentation française afin de développer l’activité commerciale, augmenter le nombre de centres franchisés et faire reconnaître le système (plongeurs et moniteurs) par l’Etat Français. Personne n’avait réussi à l’obtenir depuis la première demande en 1985. C’est ainsi que quelque temps plus tard, on a pu assister lors d’un Salon de la Plongée de Paris, à une poignée de mains historique entre les Présidents de la FFESSM et de PADI Europe, et même la visite du PDG de l’école américaine, Drew Richardson.

Philippe Cazenave (à droite) en compagnie de Drew Richardson, PDG de PADI International et de la mascotte de l’école américaine, lors d’un Salon de la Plongée à Paris.

En 2004, on ne peut que constater la réussite du travail de médiation de Philippe Cazenave, avec le développement de l’activité PADI parallèlement et sans porter atteinte aux structures fédérales ou professionnelles françaises. Le nombre de centres PADI en métropole et départements d’outre-mer est passé de 15 à 135 en 7 ans, avec plus de 650 moniteurs et le chiffre d’affaire a été multiplié par 20. Philippe a brillamment rempli sa mission et pour le remercier, PADI l’a… remercié, tout simplement ! Fidèle à sa politique commerciale « à l’américaine », l’école d’outre-Atlantique s’est débarrassée sans autre forme de procès de ce médiateur devenu inutile qui, du jour au lendemain, a dû repartir de zéro et se créer une nouvelle situation. En 2005, il crée et prend la direction d’un tour operateur un peu spécial : toujours visionnaire et dans un esprit de constante innovation, Philippe lance, dix ans avant les autres, le premier « booking.com de la plongée », sous le nom d’ATL (Aqua Tourisme Loisirs). On peut réserver en ligne non seulement son séjour plongée en fonction des disponibilités en direct dans n’importe quel centre, mais aussi son hébergement, ses loisirs et même un service de garderie. Si de tels services sont devenus courants aujourd’hui, c’était à l’époque une grande nouveauté.

Notons au passage que Philippe Cazenave fut aussi l’un des artisans du démarrage du Salon de la Plongée : ami intime des deux porteurs du projet du Salon, Hélène de Tayrac et Joël Delclos, Philippe leur offrit son aide et s’investit sans compter en apportant toute l’assistance et le soutien dont ils pouvaient avoir besoin. Même le jour où, après sa deuxième édition, le Salon connut une grave difficulté lors de la séparation de ses deux créateurs, menaçant d’un schisme qui aurait eu des conséquences lourdes pour son avenir, c’est encore Philippe qui prit l’initiative d’organiser une réunion des exposants afin de déterminer la conduite à tenir pour le bon devenir de la manifestation. On peut constater aujourd’hui, alors que la 20e édition du Salon de la Plongée vient juste de se terminer, combien cette initiative fut décisive… (voir notre article sur les 20 ans du Salon de la Plongée : https://www.plongee-infos.com/?p=2184).

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En 2011, s’éloignant peu à peu de la pratique de terrain, Philippe suit son flair et ses inspirations et se lance dans un nouveau projet, complètement inédit, dans un secteur où tout reste à faire : la conception d’une base nautique flottante, qui rassemblerait toutes les activités nautiques et subaquatiques au sein d’un établissement flottant, sorte d’île artificielle où seraient proposés bien sûr de la plongée sous-marine, mais aussi du yachting, du ski nautique et toutes activités liées à l’eau comme le jetski, flyboard, etc. On trouverait en outre de la restauration, thalasso, bars, solarium, etc. Un projet immense qui va prendre le nom d’Atlante, puis deviendra Oceania et va accaparer toute son énergie durant des années.

Etant de ses amis les plus proches, je restais en contact avec Philippe durant toutes ces années où il n’a pas ménagé ses forces. Le projet étant abouti, il restait la recherche d’investisseurs.

Tout dernièrement, Philippe m’avait contacté, très excité car il avait eu un contact très favorable avec un gros investisseur. Il entrevoyait enfin la réalisation de son projet fou, quand, ce samedi 20 janvier 2018, un terrible coup de téléphone m’annonça son décès. Son rêve ne se réaliserait pas. Philippe a tiré sa révérence avant d’avoir passé la ligne d’arrivée.

 

Une forte personnalité, un caractère bien trempé, charmeur mais décidé, doté d’une impressionnante capacité de travail mais capable aussi de partir dans les délires les plus fous, «un grand cœur caché derrière une grande gueule», disait-on. On aimait ou on détestait, mais on ne restait pas indifférent. Repose en paix mon ami, ton passage sur cette terre n’aura pas été vain, loin de là.

Paul Poivert

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